Le dossier retraite

Le Plan du Premier Ministre

"La réforme des retraites est indispensable, elle ne peut plus être différée", a déclaré 3 février le Premier Ministre, devant le Conseil Economique et Social (CES). Monsieur Raffarin a dessiné à cette occasion les grandes lignes de cette réforme qu'il entend mener à bien, par "le dialogue et la concertation", rappelant son attachement au maintien d'un système de répartition aujourd'hui déstabilisé par une évolution démographique défavorable. Il a également précisé le calendrier qui devrait permettre l'adoption d'un projet de loi "avant les vacances (d'été) 2003".

Une réforme pour l'horizon 2020

Le premier objectif de la réforme sera d'assurer l'équilibre des régimes de retraite dans les quinze prochaines années, soit à l'horizon 2020, et de préparer l'avenir plus lointain en fixant d'ores et déjà les règles d'évolution et notamment celles du Fonds de réserve des retraites qui devra être doté convenablement. Monsieur Raffarin a précisé que des ajustements ultérieurs seront sans doute nécessaires, selon une périodicité qu'il faudra définir comme, par exemple, tous les cinq ans. La réforme consistera à trouver un point d'équilibre entre les trois facteurs sur lesquels le législateur peut agir : le niveau des cotisations, la durée de cotisation et le niveau des pensions. «Faire peser tout le poids de la réforme sur un seul de ces leviers n'aurait pas de sens. L'ensemble des paramètres doit être l'objet du dialogue social» .

La réforme sera progressive. Ceux qui sont déjà à la retraite ne seront pas concernés alors que le nouveau système se mettra en place sur plusieurs années. Le Premier Ministre a ajouté qu'il faudrait, par ailleurs, trouver les moyens de «mieux partager» l'allongement de l'espérance de vie «entre l'activité et la retraite».

Niveau des retraites

Le second objectif de la réforme sera de garantir le pouvoir d'achat des retraités par «un bon niveau de retraites». Le Premier Ministre a souligné le nombre encore trop important des petites retraites et la nécessité de prendre en compte l'âge précoce de début d'activité et la pénibilité de certaines tâches. Il a cependant ajouté que toute amélioration des retraites alourdirait le besoin de financement à venir et ajouterait aux efforts à entreprendre pour préserver le système par répartition. À ce propos, il a déclaré que «s'il n'est pas question de remettre en cause l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans [... ] il ne serait pas réaliste d'ouvrir largement les possibilités de départ avant cet âge».

Principe d'équité

Le troisième objectif vise au respect du «principe de justice» sans remise en cause de la diversité des régimes. Pour Jean-Pierre Raffarin, il faut respecter le fondement de ces régimes. Par exemple, les régimes spéciaux s'inscrivent en général dans des logiques d'entreprises. «C'est donc dans le cadre de véritables projets d'entreprise qu'ils pourront évoluer». C'est cette logique de réforme qui a été mise en oeuvre à EDF et GDF et que le Gouvernement soutient. Le Premier Ministre « se refuse, par ailleurs, à opposer les fonctionnaires et les salariés du secteur privé». À l'horizon 2020, alors qu'ils représentent 20 % des actifs, les besoins de financement des régimes de fonctionnaires devraient représenter plus de 60 % des besoins globaux des régimes de retraite, «il y a donc nécessité à agir pour eux comme pour les autres». Or, la prise en compte des spécificités de la Fonction Publique «ne doit pas faire obstacle aux exigences de l'équité» qui veulent que la situation de personnes placées dans des situations comparables soit harmonisée, notamment concernant les durées de cotisation.

Croissance du taux d'activité

Quatrième objectif : accroître le taux d'activité. A cette fin, Jean-Pierre Raffarin souhaite «renforcer tout ce qui alimente l'activité»: dynamisme démographique, liberté de choix, création et défense de, l'emploi, retour de la croissance.

  • «Cela passe par une politique familiale active». Aussi, la réforme des retraites ira-t-elle de pair avec un effort accru pour faciliter l'«accueil de l'enfant», thème qui sera abordé lors de la prochaine Conférence de la famille qui se tiendra avant l'été;
  • En matière d'emploi, les efforts doivent être intensifiés « avec le concours de l'ensemble des partenaires sociaux ». En conséquence, le Ministre et des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, François Fillon, va organiser avant la fin du mois de février, une «conférence de mobilisation nationale pour la formation tout au long de la vie et l'emploi», en vue notamment de mettre en place l'assurance emploi souhaitée par le Président de la République. Il est encore nécessaire, pour le Premier Ministre, de changer l'image des salariés de plus de 55 ans, y compris auprès des chefs d'entreprise, et faire progresser leur activité pour qu'elle puisse se poursuivre jusqu'à l'âge de la retraite. Le dialogue social devrait être relancé sur ce sujet;
  • Monsieur Raffarin propose également de rendre le système de retraite plus flexible. «Ceux qui voudront partir plus tôt en retraite devront pouvoir le faire dans certaines limites, mais alors leur retraite en tiendra compte. Ceux qui voudront travailler plus longtemps pour avoir des pensions plus importantes seront encouragés». Mais pour exercer cette liberté de choix, les français devront être correctement informés, souligne le Premier Ministre en citant l'expérience suédoise de «l'enveloppe orange» (lettre envoyée à 4,4 millions de Suédois expliquant l'impact du nouveau régime de retraite pour chacun) comme un exemple à suivre. Parallèlement à l'introduction de cette souplesse supplémentaire dans les régimes de retraite de base, il sera nécessaire de développer l'épargne retraite. Le bénéfice des «aides à l'épargne volontaire» sera étendu à l'ensemble des français qui devraient ainsi pouvoir choisir plus librement le niveau de leur retraite.

Calendrier de la réforme

La responsabilité de la réforme a été confiée à François Fillon, Ministre et des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, en liaison étroite avec Jean-Paul Delevoye, Ministre de la Fonction Publique. Dans un premier temps, des débats seront organisés au sein de chaque Conseil Economique et Social Régional. Par ailleurs les deux ministres «recevront ensemble les organisations syndicales pour écouter leurs propositions et leurs réactions» aux orientations dessinées par Jean-Pierre Raffarin. Ensuite, à partir de mars, le Gouvernement discutera avec l'ensemble des acteurs et en particulier avec les partenaires sociaux. Des «groupes de travail» seront installés pour approfondir les sujets les plus techniques. Ce dialogue débouchera sur la présentation d'un projet de réforme par le Gouvernement au printemps. Après une phase de débats, un projet de loi sera élaboré «avec l'objectif d'un vote du Parlement avant l'été». Le Gouvernement engagera sa responsabilité sur ce texte.