Les Textes

Conseil national de la Résistance (CNR) : Soixante ans après, un programme social d'une étonnante actualité

Le 20 mars dernier, Jacques Voisin publiait, dans Ouest France, une tribune pour commémorer le soixantième anniversaire du programme du Conseil National de la Résistance, auquel la CFTC, par l'intermédiaire de Gaston Tessier, secrétaire général puis président, a contribué. La voici dans son intégralité.

Il y a soixante ans,le15 mars 1944, dans la France occupée, des hommes d'horizons divers mais unis par le combat contre l'occupant nazi, se sont retrouvés au sein du Conseil National de la Résistance, créé quelques mois plus tôt pour écrire un programme aujourd'hui d'une étonnante actualité. Aux côtés des divers représentants des mouvements de résistance, des partis, des tendances politiques, et de la CGT la CFTC était représentée par Gaston Tessier, alors secrétaire général d'une organisation officiellement dissoute par le régime de Vichy. Nous voulons avant tout lui rendre hommage ainsi qu'à ces hommes exceptionnels, intelligents et courageux qui, pendant plusieurs mois, se réunirent au péril de leur vie, non seulement avec la préoccupation immédiate de libérer la France, mais avec celle de la reconstruire au plan économique et social après la Libération.

La présence de la CFTC au Conseil National de la Résistance n'était pas le fruit du hasard. Dès l'annonce de la dissolution des syndicats, en août 1940, ses dirigeants avaient choisi l'opposition au régime. Dès cet été 1940, des contacts s'étaient établis à Paris entre les dirigeants de la CFTC et ceux de la CGT naguère adversaires et unis désormais par le combat pour l'indépendance syndicale par rapport au pouvoir politique. Ils démontraient ainsi la capacité de coopération des organisations syndicales dans le respect du pluralisme. Dès 1941 et d'une manière plus systématique à partir de 1943, les organismes de liaison des organisations syndicales chrétiennes s'étaient doublés de dispositifs clandestins coopérant activement aux mouvements de résistance. C'est par conséquent dans une France encore occupée que les membres du CNR dessinent la France de l'après-guerre dans un programme dont les grands traits méritent d'être rappelés. À côté de mesures conjoncturelles (impôt progressif sur les bénéfices de guerre, confiscations des biens issus du marché noir...), tout un programme économique et social est précisé. Citons en particulier les mesures.

Gaston Tessier - Au Conseil national de la Résistance, il représentait la CFTC dont il était alors le secrétaire général. Au programme : «la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine, un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec une gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État (...), la sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauchage et de licenciement (...), une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours...» Ces mesures, les militants de la CFTC se sont ensuite attachés, avec d'autres, à les faire entrer dans les faits : la création de la Sécurité sociale, dès 1944, puis du Smig (ndlr : salaire minimum interprofessionnel garanti, qui sera remplacé, en 1970 par le Smic, salaire minimum de croissance) en 1950, et de l'Unedic en 1958 s'inspirent de ce programme. La CFTC d'aujourd'hui se reconnaît pleinement dans un programme qui place l'homme au centre de l'économie, en incluant toutes ses dimensions, notamment celle de la famille. Cette fidélité assure la cohérence de ses positions aujourd'hui. Lorsqu'on l'accuse de ne pas «être dans le camp de la réforme», comme cela a été le cas au moment du débat sur les retraites, elle n'a fait en réalité que défendre cette retraite digne qui lui semblait alors menacée notamment pour les plus défavorisés. Et si, aujourd'hui, au nom d'une gouvernance moderne de l'assurance maladie, on cherchait à amoindrir la représentation des salariés dans la gestion de l'assurance maladie, la CFTC saurait se rappeler les mesures limpides et cohérentes formulées sur la question déjà en 1944. Il ne s'agit pas, ce faisant, de rester accroché à son passé en refusant toute évolution. Au contraire, à l'heure du chômage et de la précarité, des sans-domicile fixe et de la remise en cause des dispositifs de solidarité nationale, tout reste à faire.