Renouveler les pratiques sociales

Les secousses sociales provoquées par le CPE soulignent la nécessité d'un renouvellement des pratiques sociales. Dans la méthode, il importe de ne pas affirmer la solution avant d'organiser la réflexion et avant de vérifier une convergence minimum sur les fondamentaux de cette solution. Mais tous les partenaires sont-ils prêts à dialoguer ?

L'interventionnisme étatique……..

Cette question de la méthode renvoie à une seconde lourdeur française : celle de notre système de relations sociales. Deux grands traits la caractérisent :

  • la négation des corps intermédiaires par l'Etat ;
  • l'extrême difficulté des partenaires sociaux à pratiquer le dialogue social.

La négation des corps intermédiaires par l'Etat est une affaire ancienne. Elle a profondément marqué le XIXème siècle, depuis la suppression du droit d'association et des regroupements professionnels en 1791 jusqu'aux lois de 1884 et 1901, installant la liberté syndicale et la liberté associative. Elle s'est poursuivie au XXème siècle (la liberté de négociation collective ne s'est affirmée qu'en 1950) et se prolonge au XXIème siècle.

Un tel comportement n'est pas le privilège de l'actuel gouvernement. Le gouvernement de M. Jospin, avec la loi sur les 35 heures, avait agi de la même façon : organiser la vie sociale en dehors des partenaires sociaux. Au motif, disait-on alors dans les cabinets ministériels, que si l'on s'en remettait à la négociation on n'aboutirait à rien et qu'il appartient à l'Etat d'organiser les ruptures nécessaires.

…….et l'incapacité des organisations syndicales.

Encore faut-il que les partenaires sociaux acceptent le dialogue social et sachent s'organiser. Ce n'est toujours pas le cas en France. L'attachement marqué aux vertus du paritarisme ne se traduit dans les faits que de façon médiocre. Hormis quelques secteurs précis de la vie sociale, la capacité gestionnaire des partenaires sociaux s'éprouve peu dans les faits. Alors que nos voisins européens voient des services sociaux entiers directement gérés par les partenaires sociaux et non plus par l'Etat.

Si Proudhon avait rédigé, en 1864, un ouvrage sur « la capacité politique des classes ouvrières », la matière existe en 2006 pour se lamenter sur « l'incapacité gestionnaire des classes ouvrières et patronales » et sur la nécessité d'un renversement des comportements.

Car, il faut bien le dire, le rôle excessif de l'Etat à régenter et à gérer la vie sociale se trouve facilité par la difficulté des acteurs sociaux à s'impliquer eux-mêmes dans le dialogue social et la gestion d'organismes qu'ils ont pourtant contribué jadis à faire naître et institutionnaliser.

Faire avec ou regarder nos voisins européens.

Face à la vieille culture syndicale du « faire contre » et à la vieille tradition étatique du « faire sans » (c'est-à-dire sans les corps intermédiaires), notre pays reste encore étranger à la culture du « faire avec », que tous les autres pays d'Europe pratiquent avec efficacité. « Faire avec » consiste à organiser une élaboration concertée des réformes, entre gouvernement, patronat et syndicats. Les « pactes sociaux » qui fleurissent partout en Europe illustrent cette recherche tripartite des grands équilibres sociaux, laquelle s'appuie sur une autonomie réelle de la négociation collective par rapport à l'Etat. L'Allemagne ou l'Espagne en sont deux belles illustrations.

La démarche est-elle impensable ? La FGF CFTC a montré que cela était possible en signant un protocole d'accord avec le ministre de la fonction publique et demandant une commission de suivi composée des signataires.