Les tracts

Transposition de la directive européenne sur le contrat à durée déterminée

Deux réunions d'un groupe de travail se sont réunis à la Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique les 1er et 4 mars pour examiner la transposition dans le statut de la fonction publique française une directive européenne datant de 1999 et qui vise à prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

Le recours aux agents non titulaires en CDD dans la fonction publique.

Le statut général des fonctionnaires repose sur une règle fondamentale édictée en son titre Ier, selon laquelle les emplois permanents de l'État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont normalement pourvus par des fonctionnaires. L'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, qui pose ce principe de base, a toutefois prévu la possibilité d'y déroger et, par conséquent de recourir, pour répondre à certains besoins de l'administration à des agents publics non titulaires.

Les différents cas de recours à des agents non titulaires, prévus par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, sont les suivants :

L'article 3 énumère des emplois permanents de l'État non soumis au principe de leur occupation par des fonctionnaires. Outre les emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du Gouvernement, entrent notamment dans ce cadre :

  • les emplois de certains établissements publics à caractère administratif, qui, en raison de leurs missions, sont inscrits sur une liste fixée par décret en Conseil d'État;
  • les emplois de certaines institutions administratives spécialisées dotées, de par la loi, d'un statut particulier garantissant leur indépendance;
  • les emplois occupés par des ouvriers d'État;
  • les emplois de maître d'internat, surveillant d'externat et assistant d'éducation des établissements d'enseignement. L'exercice des fonctions des maîtres d'internat, surveillants d'externat et assistants d'éducation est limité dans le temps par la réglementation qui leur est applicable. Dans les autres cas, les agents sont normalement recrutés pour une durée indéterminée.

Le dernier alinéa de cet article, précise en outre que les remplacements des fonctionnaires occupant des emplois permanents doivent être assurés par d'autres fonctionnaires dès lors qu'ils correspondent à un besoin prévisible et constant.

L'article 4 permet de recruter des agents contractuels soit lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes, soit, pour les emplois du niveau de la catégorie A, et tous les emplois dans les représentations de l'État à l'étranger, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. Les contrats ainsi souscrits ne peuvent l'être que pour une durée déterminée qui ne peut excéder trois ans. Ils sont renouvelables par reconduction expresse.

L'article 5 permet, quant à lui, de faire occuper, à titre dérogatoire, des emplois permanents d'enseignants chercheurs, par des personnels non-fonctionnaires recrutés en qualité d'associé ou d'invité.

L'article 6, en son 1er alinéa, prévoit que les emplois correspondant à un service à temps incomplet (70% du temps plein au maximum) sont pourvus par des agents non titulaires. En application du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, fixant les dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État, les agents ainsi recrutés peuvent l'être pour une durée indéterminée.

Ce même article, en son 2ème alinéa, autorise le recours à des agents contractuels pour faire face à des besoins saisonniers ou occasionnels qui ne peuvent être assurés par des fonctionnaires. Dans le cas de besoins saisonniers, la durée du contrat, renouvellements éventuels compris, ne peut excéder six mois par année. Pour les besoins occasionnels, le contrat, renouvellements éventuels compris, ne peut excéder dix mois par année.

L'article 27, afin de faciliter l'insertion professionnelle des personnes reconnues travailleurs handicapés, prévoit leur recrutement en qualité d'agent contractuel pour une durée d'un an, renouvelable une fois. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve de remplir les conditions d'aptitude requises pour l'exercice de la fonction.

Enfin, il convient de signaler les agents contractuels mentionnés à l'article 82 qui, recrutés antérieurement au 15 juin 1983, n'ont pas demandé ou obtenu leur titularisation en application des dispositions de l'article 73 de la même loi. Ils peuvent se prévaloir d'un engagement pour une durée indéterminée.

La directive européenne

La directive européenne n° 1999/70/CE du 28 janvier 1999 relative au travail à durée déterminée, qui vise à mettre en œuvre l'accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 entre les partenaires sociaux au niveau européen, invite les États membres à prendre les dispositions nécessaires pour s'y conformer. L'accord dont il s'agit a pour objet notamment d'établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

Les conclusions tirées par Monsieur Lemoyne de Forges dans son rapport sur « l'adaptation de la fonction publique française au droit communautaire » concernant la question des non titulaires sont les suivantes :

« - les contrats à durée déterminée non renouvelables ne sont pas interdits par le droit communautaire ;
- les contrats à durée déterminée renouvelables ne sont autorisés que s'ils répondent aux besoins de secteurs d'activité spécifiques, objectivement identifiables, et non pas à la commodité de l'administration employeur ; encore convient-il d'encadrer les conditions de leur renouvellement, soit par des « raisons objectives », soit par une limitation, en temps ou en nombre de contrats, la durée totale du travail précaire ; - en dehors de ces secteurs spécifiques, les contrats à durée déterminée doivent être remplacés dès que possible par des contrats à durée indéterminée. »

Les solutions envisageables

A titre liminaire il convient de souligner que l'on pourrait considérer que l'article 3 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 posant le principe de l'occupation des emplois permanents par des fonctionnaires peut être une raison objective suffisante, justifiant l'existence et le renouvellement des CDD dans la fonction publique.

Cependant, dans le double objectif de ne pas remettre en cause un principe de base du statut de la fonction publique, celui de l'occupation des emplois permanents par des fonctionnaires, et d'éviter le développement de situations de précarité tant en ce qui concerne les recrutements à venir, que pour les personnels en fonctions, la mise en conformité avec le droit européen la CFTC a proposé les solutions suivantes :

Recrutements à venir

Permettre, sur décision expresse, de reconduire la relation contractuelle au-delà de 3 [ou 6 ans], mais dans ce cas, exclusivement sous la forme d'un contrat à durée indéterminée ; dans le cas contraire, le contrat n'est pas renouvelé.

Agents déjà en fonction

Agents ayant moins de 10 ans d'ancienneté : Un concours adapté et « professionnalisé », avec indemnité compensatrice, leur est offert. En cas de refus ou d'échec, de titularisation de l'agent, la reconduction en CDI est une possibilité offerte à l'autorité gestionnaire.

Agents ayant au moins 10 ans d'ancienneté : Une intégration directe, avec indemnité compensatrice, selon le modèle de titularisation « Le Pors » de 1984 (mais sans décret d'application), leur est offerte ; en cas de refus de titularisation de l'agent, son contrat est reconduit automatiquement pour une durée indéterminée.

Dans le cas où le Gouvernement ne retiendrait pas ces hypothèses de « titularisation sous condition » : La CFTC propose que le contrat soit reconduit automatiquement pour une durée indéterminée, si l'agent est en fonction d'une manière continue depuis au moins 10 ans ; pour les agents ayant moins de 10 ans d'ancienneté, la reconduction en CDI est une possibilité offerte à l'autorité gestionnaire.

Agents âgés de plus de 50 ans : Les agents, âgés de plus de 50 ans et ayant plus de 8 années d'ancienneté en service continu à la date de publication de la loi, voient leur CDD transformé automatiquement en contrat à durée indéterminée à la date de la publication de la loi. Dans le calcul des 8 ans d'ancienneté, il est également tenu compte des agents ayant bénéficié de contrats d'agent public « de un mois tacitement reconductible » ; ceux remplissant les conditions de titularisation suscitées et actées législativement peuvent les accepter.

Situation des agents non-titulaire lors du transfert d'activité du secteur privé vers le secteur public (jurisprudence « Mayeur ») Aujourd'hui les situations de transfert d'activité d'une personne morale de droit privé vers une personne morale de droit public apparaissent de plus en plus fréquentes dans les trois fonctions publiques.

Conformément à la directive n° 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, modifiée par la directive du 29 juin 1998, relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, assurer la continuité des contrats de travail antérieurs s'impose dans le cas de la reprise totale ou même partielle d'une « entité » privée par une personne publique.

La Cour de justice des communautés européennes, dans un arrêt « Mayeur » n° C-175-99 du 26 septembre 2000, a considéré que « le transfert d'une activité économique d'une personne morale de droit privé à une personne morale de droit public entre en principe dans le champ d'application de la directive 77/187 » et « que la directive 77/187 vise à assurer la continuité des relations de travail existant dans le cadre d'une entité économique, indépendamment du changement de propriétaire » Dès lors que l'article L 122-12 est une des dispositions qui transcrivent en droit français les objectifs de cette directive, les juges nationaux doivent interpréter cet article de manière à assurer la conformité du droit français au droit communautaire.

La Cour de Cassation, chambre sociale, 25 juin 2002, (AGS de Paris c/Hamon), a tiré la première les conséquences de l'application de cette directive et jugé qu'est applicable l'obligation de continuité des contrats de travail à tout transfert d'activité quelle que soit la nature publique ou privée du cessionnaire.

Le juge administratif a également tiré les conséquences de la redéfinition du champ d'application de l'article L.122-12 dans un jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 14 mai 2003, Mme Isabelle Coindre (AJDA, 30 juin 2003, p.1280) en confirmant le principe du transfert des contrats.

Toutefois, le jugement relève aussi à cette occasion que l'employeur public est tenu de placer les salariés transférés dans une position régulière au regard du statut général de la fonction publique. Ainsi, il a été jugé que la personne morale de droit public ne commet aucune illégalité en transformant le contrat à durée indéterminée de l'agent en contrat à durée déterminée dès lors que ledit agent n'entrait dans aucun des cas, limitativement énumérés, de dérogation à la règle selon laquelle les agents contractuels sont recrutés pour une durée limitée. En effet, le recrutement d'agents non titulaires du fait du transfert d'activité n'entre pas dans les cas de recours prévus par le statut général des fonctionnaires.

On peut en déduire également que le contrat avec l'employeur public relève du droit public. En effet, le contrat conclu avec une entité privée étant un contrat de droit privé, la continuité de celui-ci sous le même régime juridique posait problème au regard de la décision « Berkani » du Tribunal des Conflits selon laquelle « toute personne travaillant pour le compte d'un service public administratif géré par une personne morale de droit public est un agent contractuel de droit public ».

La CFTC a fait la même proposition que pour le cas précédent afin de garantir la pérennité de l'emploi des personnes concernées.

Recrutement des agents non titulaires par la fonction publique territoriale.

Les dispositions applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale doivent être modifiées afin de transposer la directive 1999/70/CEE du 28 juin 1999 dont l'objet est de prévenir l'utilisation abusive du travail à durée déterminée.

Les orientations de cette directive supposent d'apporter les aménagements nécessaires en indiquant :

  • les raisons objectives justifiant le renouvellement des contrats à durée déterminée;
  • une durée maximale de la somme des durées des contrats successifs ou le nombre de renouvellement autorisé de ces contrats;
  • les conditions dans lesquelles les contrats à durée déterminée seront réputés conclus pour une durée indéterminée.

Ces nouvelles mesures ne doivent cependant pas conduire à la constitution d'une seconde fonction publique territoriale composée d'agents non titulaires sous contrats à durée indéterminée, parallèle à celle composée des fonctionnaires occupant, selon le droit commun et conformément à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les emplois civils permanents de l'État, des régions, des départements et de leurs établissements à caractère administratif.

Dans cette perspective, les conditions de reconduction des contrats ainsi que les caractéristiques des emplois ou la nature des fonctions justifiant le recours au recrutement d'agents non titulaires doivent être plus précisément définis. Ainsi, doivent être modifiés ou complétés l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et l'article 63 de la loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale.

L'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 autorise le recrutement d'agents non titulaires, par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, pour une durée déterminée. Cet article pourrait être réécrit complètement en supprimant la référence à l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État (mais en conservant les mêmes conditions qu'au sein de l'État), afin de tenir compte de l'organisation et des besoins spécifiques de la fonction publique territoriale.

Les conditions de recrutement d'agents non titulaires seraient durcies et autorisées dans les seuls cas suivants :

  1. S'il n'existe pas de cadre d'emplois pour assurer les fonctions recherchées;
  2. Pour des emplois de catégorie A, lorsque des fonctions hautement spécialisées ou nécessitant une expertise particulière sont recherchées;
  3. Pour des emplois à temps non complet à pourvoir dans les communes de moins de 1000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique du nombre d'habitants ne dépasse pas ce seuil;
  4. Pour le remplacement temporaire des fonctionnaires exerçant leurs fonctions à temps partiel ou placés en congé de maladie, de maternité, parental ou de présence parentale, de rappel ou de maintien sous les drapeaux;
  5. Pour des emplois vacants qui ne peuvent être immédiatement pourvus (1 an non renouvelable);
  6. Pour un besoin occasionnel, pour une durée maximale de 3 mois, renouvelable une fois à titre exceptionnel;
  7. Pour des fonctions correspondant à un besoin saisonnier, pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois.

Pour les cas 1, 2, 3 et 4, et comme pour les agents contractuels de l'État, les contrats seraient conclus pour une durée maximale de 18 mois. Ils seraient renouvelables par reconduction expresse dans la limite maximale de 3 ans. A l'issue de cette période de reconduction ces contrats ne pourraient être reconduits (par reconduction expresse) que pour une durée indéterminée.

Pour le cas 5, la durée du contrat ne pourrait être au maximum que d'un an sans pouvoir être renouvelée. Pour les cas 6 et 7, les conditions seraient également encadrées.

Par ailleurs, il n'existe aucune condition de diplôme pour le recrutement d'agents non titulaires. L'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée dispose que chaque emploi d'une collectivité ou établissement est créé par délibération et que cette dernière doit préciser le grade ou le niveau de recrutement des agents susceptibles d'occuper l'emploi. Il s'agit donc d'exiger pour le recrutement d'agents non titulaires le niveau de diplôme correspondant soit au niveau considéré soit au concours externe d'accès au cadre d'emplois auquel appartient le grade recherché.

L'article 63 de la loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale devrait être modifié afin de permettre aux agents d'une association intégralement transférée à une collectivité territoriale, à un établissement public intercommunal ou à un syndicat mixte, de continuer à bénéficier des stipulations de leur contrat antérieur et en particulier de celles concernant les conditions de durée. Précédemment, les contrats à durée indéterminée de droit privé étaient transformés en contrats de droit public de 3 ans expressément renouvelables.

Enfin, une disposition transitoire doit être prévue dans le projet de loi afin de régler la situation des agents non titulaires territoriaux en fonction à la date de publication de ces nouvelles mesures. Il faut permettre aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de recruter, par reconduction expresse, les agents non titulaires en fonction d'une manière continue depuis au moins six ans dans leur collectivité pour une durée indéterminée.

L'exigence de continuité de reconduction évitera d'accorder un contrat à durée indéterminée à un agent pouvant justifier six ans de services en qualité de non titulaire dans des collectivités territoriales différentes ou hors de la fonction publique territoriale.

Les contrats des agents non titulaires âgés d'au moins 50 ans et en fonction depuis au moins 8 ans pourraient être transformés en contrat à durée indéterminée.

Pourraient être exclus de cette disposition les agents non titulaires recrutés au titre des articles 47 (recrutement direct pour certains emplois fonctionnels) et 110 (recrutement des collaborateurs de cabinet) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée.