Les tracts

Recherche publique : Un même avenir : la précarité

Le budget de la recherche pour 2004 a été présenté au mois de septembre. Plus que le nombre de recrutements ou de sommes d'argent attribuées c'est bien à un complet renversement de la philosophie de la recherche en France que nous assistons. Deux points principaux structurent cette nouvelle orientation : la précarisation à outrance des Chercheurs et des Ingénieurs, Techniciens et Administratifs (ITA) nouvellement "recrutés" et la volonté de n'affecter des moyens nouveaux qu'au financement de la recherche privée en laissant totalement de côté les établissements Publics (EPST).

Tous précaires : La situation est un peu différente selon que l'on soit Chercheur ou ITA, mais c'est la même situation dans tous les établissements publics (EPST). Les 400 chercheurs recrutés en 2003 c'était déjà 150 de moins qu'en 2002, 200 recrutés en 2004: c'est 50 % de baisse ! Ce qui prend de l'importance, c'est le recrutement des Chercheurs sous 2 formes d'emplois précaires :

200 postes de "post-doc" à la française viendront se rajouter aux 400 créés en 2003. Ces contrats sont à durée déterminée de 18 mois et normalement non renouvelables.

Création du statut de Chercheur en CDD (200 contrats) : Ces postes seront de 3 ans prolongeables de 2 ans et probablement renouvelables indéfiniment, créant de fait un nouveau statut de Chercheur précaire corvéable à merci.

Le ministre avance que ce sera un progrès puisqu'il disposera ainsi d'une certaine souplesse dans l'attribution des postes permettant une meilleure réactivité du milieu de la recherche. Ce sont donc bien 2 Chercheurs sur 3 qui seront désormais employés sur statut précaire ! A terme, sur une génération, cela conduirait à la suppression de 12 000 postes (sur 18 000). Déjà à la fin de 2004 le nombre de chercheurs titulaires tombera à 17 278, et en 2 ans le nombre de Chercheurs précaires sera passé de 0 à 800 !

Et cette précarité voulue et organisée ne comptabilise pas tous ceux qui autour de nous vivent ou survivent de petits contrats, bourses, et autres astuces en attendant. Mais en attendant quoi ? Après leur thèse nombre de jeunes Chercheurs acceptaient cette situation dans l'attente d'un concours de recrutement, mais c'est fini !!! Les 300 ITA seront recrutés sur postes de titulaires et 300 seront employés sur CDD de 3 à 5 ans voire plus comme pour les Chercheurs. Plus précisément, ce seront les niveaux Ingénieurs qui seront précarisés, encore une fois sous prétexte de souplesse de recrutement et de diminuer les délais de vacance des postes suite aux départs à la retraite. Encore un mauvais procès, car pour raccourcir ces délais, l'INRA s'est doté d'une procédure de gestion prévisionnelle (GPEEC) pour mieux gérer ce genre de situation, et par ailleurs de nouvelles procédures de mobilités sont mises en place afin d'atténuer, sinon résoudre ces problèmes. A terme, c'est bien la disparition des catégories A qui semble programmée. Pour les statutaires c'est également la fin annoncée des promotions, changements de corps et de changement de grade. La masse salariale ne progressant que de 1,l% sera insuffisante pour couvrir le glissement Vieillesse Technicité (GVT : avancements accélérés d'échelon, de grade et de corps). Seule la retraite est belle avec des pensions en baisse de 25%à 50%.

Budget en berne : L'année dernière, le Directeur du Cabinet de Madame Haigneré faisait de la "cavalerie bancaire" en jouant avec les reports et mettant à sec les trésoreries de tous les EPST, cette année M. Philippe Braidy (nouveau Directeur du Cabinet) fait des tours de "passe-passe" pour nous faire croire que le budget de la recherche est en augmentation! C'est faux !!!

Les 80 millions d'euros supplémentaires sont en fait des avances remboursables. Les années précédentes, elles retournaient dans le budget général à Bercy. Les 30 millions d'euros supplémentaires en fait des allégements fiscaux : allègement de TVA pour une très grosse entreprise de l'aéronautique française. Un nouveau fond ministériel (fond des priorités de la recherche) doté de 150 millions d'euros est créé. Il sera financé sur des ressources en provenance des futures privatisations. Autant dire qu'il est doté d'argent qui n'existe pas encore. De plus, ces ressources sont exceptionnelles, il n'y a donc pas de pérennisation possible de ce fond sauf à en changer l'origine du financement. Objectif de ce fond : Il cofinancera des fondations (qui restent à créer) pour soutenir la recherche privée.

Pour le privé, c'est le fromage et le dessert : D'une part le Crédit Impôt Recherche (CIR) augmente nettement (+ 440 millions d'euros) permettant de défiscaliser non seulement les investissements nouveaux en matière de recherche (flux) mais aussi les activités de recherche déjà existantes (stock). Ce fond perd donc totalement sa philosophie originelle qui était d'inciter les entreprises à augmenter leur effort de recherche. Il devient un système de défiscalisation permettant aux entreprises de déduire davantage tout en s'abstenant de faire davantage de recherche : défiscalisation de 50% des dépenses nouvelles plus 5% des dépenses totales avec un plafond qui passe de 6,1 à 8 millions d'euros ! D'autre part, si elles investissent leur argent défiscalisé dans une fondation, l'État abondera d'autant leur investissement. Et l'État abondera même du double si la société privée travaille en collaboration avec un EPST.

Bon courage à tous !!! : Les Autorisations de Programme (AP) et les Crédits de Paiements (CP) sont tous bloqués à +0% ! Et ceci concerne tous les établissements publics (EPST et EPIC) sauf le CNES. Celui-ci voit son budget croître de 3,6% du fait des engagements européens de la France en matière de programmes spatiaux.

Ce sont donc des Instituts de recherche avec un budget réel en baisse, sans aucune trésorerie et avec un personnel titulaire en baisse sensible (- 550 postes) qui devront assumer les missions de service public qui leur sont attribuées : bon courage à tous !!!