Points de vue sur l'actualité

Polémique syndicale : point trop n'en faut

Les attaques verbales font partie intégrante du droit à la liberté d'expression d'un titulaire d'un mandat syndical "dès lors qu'elles n'ont pas un caractère vexatoire ou blessant " susceptible d'excéder le cadre de la polémique syndicale, précise la Cour européenne des droits de l'Homme dans un récent arrêt*. Suite à un litige relatif à des heures supplémentaires, le maire d'une commune décide de suspendre une employée trois jours pour injure, décision que l'intéressée conteste devant le tribunal administratif. Dans deux bulletins municipaux, le maire attaque ouvertement le comportement de l'employée. Celle-ci porte plainte contre lui, et les représentants du syndicat auquel elle est adhérente, contre-attaquent en diffusant un tract qui critique durement les propos du maire. Résultat : le maire les assigne devant le tribunal correctionnel pour "diffamation publique contre un citoyen chargé d'un mandat public", et obtient leur condamnation. Ces derniers contestent alors le jugement devant la Cour européenne des droits de l'Homme en invoquant la liberté d'expression et d'association syndicale. Dans sa décision, la Cour rappelle que la liberté d'expression peut, dans certains cas, être restreinte pour protéger la réputation ou les droits d'autrui. Mais dans le cadre d'une polémique publique, les attaques verbales constituent les aléas du jeu politique et du libre débat d'idées ! Selon la Cour, le tract des représentants syndicaux - qui ne sont pas tenus aux mêmes règles que les journalistes -, s'est limité à répondre à la mise en cause publique d'une adhérente et ne constitue pas une attaque personnelle gratuite ni une diffamation publique à l'encontre d'un élu de la République. Dès lors, la condamnation des représentants n'est pas justifiée, leurs critiques n'étant pas d'ordre privé et ne revêtant pas un caractère vexatoire et blessant et n'excédant pas les limites admises dans le cadre d'un débat public.

Cour européenne des droits de l'Homme, affaire VELLUTINI et MICHEL c. France, requête n°32820/09, arrêt du 6 octobre 2011.