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Discrimination syndicale : pour la prouver, pas besoin de comparer

Le simple fait que l'employeur n'ait pas fourni de travail pendant de longues périodes au salarié titulaire d'un mandat représentatif est un élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination selon la Cour de cassation (29 juin 2011, n°10-14067). En l'espèce, un ingénieur est engagé en 1998. À partir de 2001, il exerce divers mandats représentatifs. Il est alors affecté à un bureau où il ne dispose ni de téléphone ni d'ordinateur, et aucun travail ne lui est fourni pendant plusieurs années. De plus, à différentes périodes, aucun poste de travail n'est mis à sa disposition l'obligeant à s'installer dans les couloirs de l'entreprise, il n'est convoqué à aucune réunion, ni entretien professionnel, et ses notes de frais sont remboursées avec retard. Il saisit alors le Conseil de prud'hommes pour discrimination syndicale. La Cour d'appel le déboute de sa demande au motif qu'il ne produit aucun élément de comparaison avec la situation d'autres salariés concernant les périodes au cours desquelles il s'est trouvé sans travail et sans progression salariale. Le salarié se pourvoit donc en cassation, en invoquant notamment le fait que l'existence d'une discrimination liée à l'appartenance syndicale n'implique pas la preuve d'une inégalité de traitement, le salarié devant simplement apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. La Cour de cassation lui donne raison, confirmant ses précédents arrêts (du 10 novembre 2009, n°07-42849 et du 7 juillet 2009 n°08-40988). Le fait que l'employeur n'ait pas fourni de travail au salarié pendant de longues périodes constitue un élément de nature à laisser supposer l'existence d'une telle discrimination ; nul besoin d'une comparaison avec la situation d'autres salariés.

Charge de la preuve : en l'état actuel de la jurisprudence, il suffit que le salarié établisse qu'il fait l'objet d'un traitement défavorable pour contraindre l'employeur à apporter la preuve contraire de l'absence de discrimination syndicale (art. L. 1134-1 du Code du travail). Le salarié n'a donc pas à apporter la preuve de la discrimination. Il suffit d'établir des éléments de fait laissant supposer son existence. Les faits évoqués par le salarié à l'appui de ses prétentions devront toutefois être suffisamment étayés par des éléments tangibles.