Points de vue sur l'actualité

Forfait jours : pas de blanc seing de la Cour de cassation

Si la Cour de cassation n'est pas allée jusqu'à juger non conforme le forfait jours, elle l'a tout de même sérieusement encadré (Cass. soc. du 29 juin 2011, n°1656). Ce régime, instauré par la loi du 19 janvier 2000, fonde la rémunération sur le nombre de jours travaillés dans l'année, selon un accord de branche, doublé le cas échéant d'un accord d'entreprise. En l'espèce, le cadre reprochait à son ex-employeur de ne pas avoir contrôlé le nombre de jours qu'il avait travaillés et d'avoir insuffisamment suivi son organisation de travail, alors même que l'accord de sa branche, la métallurgie, stipulait que l'employeur devait établir un document de contrôle du temps de travail et des temps de repos. D'abord débouté aux prud'hommes et en appel, il a obtenu gain de cause auprès de la Cour de cassation. "Ce manque de suivi invalide de facto sa convention de forfait jours " explique Simon DENIS, secrétaire national et juriste de l'UGICA-CFTC, qui considère ceci comme "un revirement majeur ".

Jusque-là, l'absence de suivi ne permettait de réclamer que des dommages et intérêts sans remettre en cause la validité même du forfait jours. De plus, la sécurité des forfaits jours issus d'accords postérieurs à la loi du 20 août 2008 (qui n'était pas en débat dans la décision du 29 juin, le recours du salarié étant antérieur) qui l'a fortement libéralisé, permettra à de nombreux cadres de remettre en cause la validité de leur forfait jours. En ce sens, la condamnation du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe en décembre 2010 qui a jugé "manifestement excessive" cette loi de 2008 est toujours d'actualité. Ainsi, l'UGICA-CFTC ne rejoint pas le " satisfécit " quasi unanime qui fait suite à cette décision qui, loin de valider le système de forfait-jours, implique à la fois un réel suivi de la charge de travail du salarié par les employeurs et l'impérieuse nécessité pour les pouvoirs publics de prendre leur responsabilité en revenant sur la loi du 20 août 2008.