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Médecine du travail : le mal est (presque) fait

Dans l'indifférence presque générale, les députés ont adopté, le 30 juin 2011, la proposition de loi sur l'organisation de la médecine du travail. Une loi qui porte clairement atteinte à l'indépendance de la médecine du travail et à l'égalité d'accès aux soins pour les salariés, et fait primer les intérêts financiers sur la prévention. Ces mêmes dispositions (à quelques détails près), d'abord introduites en septembre 2010 dans la loi portant réforme des retraites, avaient été censurées par le Conseil constitutionnel le 9 novembre. Le lendemain, elles réapparaissaient dans une proposition de loi fraîchement déposée à l'Assemblée. La suite : un vote des sénateurs le 27 janvier dernier, puis un second des députés, le 30 juin, sans changement majeur. Sur le fond, ces dispositions convergent avec les souhaits du patronat exprimés lors de la négociation de 2009. Les employeurs conservent la gestion sans partage des services de santé au travail (SST), grâce à une présidence avec voix prépondérante. Le représentant des salariés, acculé au poste de trésorier, ne disposera d'aucune marge de manoeuvre, ni de moyens pour remplir sa mission. Les médecins du travail verront aussi leurs marges de manoeuvre fondre comme neige au soleil. L'essentiel de leurs missions sera transféré aux directeurs des SST, et l'essentiel de leurs tâches à une équipe pluridisciplinaire - des personnels moins qualifiées et dont l'indépendance n'est pas garantie. Les médecins du travail seront cantonnés à animer cette équipe pluridisciplinaire, une fonction à laquelle ils ne sont d'ailleurs pas formés. Pour la CFTC, cette réforme ne traite en rien les causes réelles de la pénurie de professionnels et aura pour conséquence d'éloigner les médecins des lieux de travail et des salariés. Pire, le texte instaure des différences de traitement entre les travailleurs en proposant de multiples dérogations dans le suivi des salariés selon leur profession, leur contrat de travail ou leur lieu de travail. Un vote solennel du texte est programmé mardi 5 juillet. Mais le mal est (presque) fait.