Points de vue sur l'actualité

Vie privée/vie professionnelle : il ne vaut pas tout mélanger

Un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans l'entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire rappelle la Cour de cassation (Cass. soc, 9 mars 2011, n°09-42.150). Dans cette affaire, le directeur général adjoint d'une grande radio publique avait publié un livre très controversé. Lors de la promotion de cet ouvrage, une polémique s'était même engagée dans son entreprise en raison des propos qu'un quotidien de la presse écrite avait attribués dans ses colonnes au salarié, mais que celui-ci contestait. Pour calmer le jeu, le salarié avait alors démissionné de ses fonctions tout en demandant à exercer une autre activité au sein de cette même radio. Et pour se défendre, il avait adressé à ses collègues, via messagerie interne et durant le temps de travail, le droit de réponse qu'il avait envoyé au quotidien en question, ainsi que les messages de soutien qu'il avait reçus. Il fut licencié en 2004 pour faute grave du fait du trouble que ses agissements avaient engendrés dans l'entreprise, et contesta son licenciement. La Cour de cassation vient de donner raison au salarié en rappelant clairement "qu'un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans l'entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire ". Rappelons l'état de la jurisprudence : la règle est qu'un fait de la vie personnelle ne peut pas caractériser une faute disciplinaire (Cass.soc, 23 juin 2009, n°07-45256). L'exception est qu'un tel fait peut, néanmoins, compte tenu des fonctions du salarié et de la finalité propre de l'entreprise, constituer un motif personnel de licenciement (mais non disciplinaire) fondé sur le trouble objectif causé à l'entreprise par le comportement du salarié. Dans le cas présent, les juges ont adopté cette solution car le licenciement avait été mal qualifié et le trouble n'avait pas été caractérisé dans la lettre de licenciement.

Qu'en est-il des représentants du personnel ? La même règle s'applique : un fait relevant de la vie personnelle, non constitutif d'un manquement aux obligations contractuelles, ne saurait justifier un licenciement pour faute (Conseil d'État, 15 décembre 2010, n°316856). Mais cela n'exclut pas pour autant la possibilité d'un licenciement fondé, non pas sur une faute, mais sur les répercussions du comportement du salarié sur le fonctionnement de l'entreprise. Comme pour les salariés non protégés.