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Tractez maintenant ! Ce qui n'est pas interdit est permis

L'article L. 2142-4 du Code du travail est clair. La distribution de tracts peut se faire "dans l'enceinte de l'entreprise, aux heures d'entrée et de sortie du travail des salariés". La Cour de cassation vient de préciser que hors de l'entreprise la distribution est également licite*. En l'espèce, des délégués syndicaux d'une société de conseil s'étaient rendus à plusieurs reprises chez des entreprises clientes. Ils y avaient remis des tracts à leurs collègues en mission là-bas. Ces tracts avaient été distribués dans le hall d'entrée et à l'extérieur, devant les locaux, à l'intérieur aussi sur les bureaux en leur absence, ainsi que sur la table d'un couloir ; d'autres enfin remis directement aux salariés pendant leurs heures de travail. Tout laissait donc penser qu'une telle distribution était illicite au regard du Code du travail et de la jurisprudence. Or la Cour de cassation cautionne cette distribution. Selon elle, l'article L. 2142-4 se borne à organiser la diffusion de tracts dans l'enceinte de l'entreprise, mais ni la voie publique, ni les parties communes de l'immeuble où l'entreprise occupe des locaux, ni l'établissement d'un client au sein duquel des salariés de l'entreprise effectuent des missions, n'est visé. Et comme le dit l'adage : "Tout ce qui n'est pas interdit est permis". L'employeur ne pouvait ainsi s'opposer à la distribution de tracts dans ces lieux, à l'extérieur de l'entreprise. Par ailleurs, lesdits tracts étaient dénués de caractère diffamatoire ou injurieux. L'employeur, s'il avait estimé que leur contenu était diffamatoire ou injurieux (loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse), n'aurait donc pu invoquer ce motif pour interdire la distribution.

* Cass. soc. n°09-12240 du 18 janvier 2011.

Repères : l'article L. 2142-4 précise que cette distribution ne peut se faire ni durant les heures de travail, ni durant les temps de pause, ni durant le temps de repas à la cafétéria, par exemple. La jurisprudence prévoit qu'il n'est pas non plus permis de déposer en permanence une liasse de tracts à disposition dans l'enceinte de l'entreprise, ni d'en laisser sur les bureaux des salariés en leur absence. Sinon la distribution est illicite et l'employeur peut demander au TGI la suspension de ces pratiques, ainsi que des dommages et intérêts.