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Faute inexcusable : indemnisation élargie

C’est une grande avancée. Le Conseil constitutionnel vient d’élargir le champ des préjudices indemnisables lorsque l’employeur est reconnu coupable d’une faute inexcusable pour un accident de travail ou une maladie professionnelle (AT-MP) subi par un salarié. En l’espèce, un couple dont la femme a été victime d’un accident du travail l’ayant laissée tétraplégique a souhaité que son affaire soit portée devant le Conseil constitutionnel, comme le prévoit la nouvelle procédure dite “ Question prioritaire de constitutionnalité ”, entrée en vigueur le 1er mars dernier. Cette procédure donne la possibilité à tout justiciable de soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, “ qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ”, en application de l’article 61-1 de la Constitution (suite à la réforme de juillet 2008). Le 10 mai dernier, la Cour de cassation a transmis la demande de ce couple au Conseil constitutionnel. Dans sa décision (n° 2010-8, QPC du 18 juin 2010), le Conseil constitutionnel rejette la jurisprudence existante. Les Sages, sans toutefois juger “ inconstitutionnel ”* le régime d’indemnisation des AT-MP, considèrent, en formulant une réserve sur l’interprétation du droit, que la liste des préjudices indemnisables prévue par le Code la Sécurité sociale en cas de faute inexcusable (art. L. 452-3) n’est qu’indicative. Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait cette liste comme limitative. Dès lors que le salarié prouve son préjudice (la charge de la preuve doit toujours être apportée par le salarié) et son lien de causalité avec son AT/MP, il pourra bénéficier d’une indemnisation. La victime pourra ainsi demander, par exemple, que les frais dus à la nécessité de se faire assister d’une tierce personne (préjudice qui ne figure pas dans la liste du Code de la Sécurité sociale) soient indemnisés. Cette nouvelle interprétation du Conseil constitutionnel doit désormais s’appliquer à toutes les affaires non jugées définitivement. Pour la CFTC, c’est donc un grand pas vers l’indemnisation intégrale des victimes d’AT-MP, même si, ici, elle n’est ouverte qu’en cas de faute inexcusable reconnue.

* Principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi et les charges publiques et celui, selon lequel tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui l’oblige à le réparer.