Points de vue sur l'actualité

Médiateur de la République : la France fracturée

Le dernier rapport du Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, dresse un portrait préoccupant d'une France “fatiguée psychiquement” et qui vit dans “l'angoisse du déclassement”. Dans son rapport 2009 diffusé le 23 février, Jean-Paul Delevoye établit un portrait social de la France. En guise de testament (sa mission disparaitra d'ici à un an), le Médiateur dénonce les principales lacunes de l'État, à travers les 76 300 plaintes qui ont été soumises (+ 16% en 2008). En moins de 90 pages, c'est un tour d'horizon des gouffres administratifs existants dans neuf secteurs d'intervention : social, justice, santé, affaires générales ou fiscales. L'inflation législative, l'instabilité normative et juridique, la fragilisation du service au public et l'accueil des citoyens sont encore pointés comme des failles importantes. Mais la principale inquiétude vient sans doute de l'état actuel de cette France où la précarité croît rapidement. Le ton est donné dès l'éditorial : “Le constat n'est pas neuf, notre société est fracturée, mais jamais cette réalité n'a été aussi aiguë (…) Jamais le risque de basculer dans la précarité n'a semblé si grand à autant de nos concitoyens ”. À la veille de la publication de son rapport, le Médiateur confiait que “ l'État répond mal avec des outils inadaptés ” notamment aux difficultés de “ fins de mois ” qui se jouent à 50 euros ou 150 euros près pour 15 millions de citoyens. C'est autant de dossiers explosifs non résolus. Autre fracture, celle des citoyens, noyés sous un flot de nouvelles lois qu'ils ont du mal à appréhender. Conséquence : “les administrés méconnaissent leurs droits”. Pas moins déboussolés, les fonctionnaires peinent à comprendre la finalité de leurs actions. “Se considérant souvent comme de simples pions dans un système qui les dépasse (…) ils cèdent à la tentation d'une application des textes plus formelle qu'humaine ”. Pourtant, Nicolas Sarkozy avait fait de “ l'État irréprochable” le cœur de sa campagne en 2007. Il reste encore beaucoup à faire. Mais désormais il n'y aura plus de Médiateur de la République pour le faire savoir.