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Droit de la défense du salarié : le secret professionnel inopérant

Les documents produits lors d’une affaire en justice, qu’ils soient ou non couverts par le secret professionnel, sont tous susceptibles, selon la Cour de cassation (arrêt du 18 novembre 2009), d’être utilisés par un salarié pour se défendre à partir du moment où ils constituent une pièce essentielle au dossier. Dans le cadre d’une action prud’homale, la jurisprudence exige que les documents produits par les parties, notamment le salarié, soient des pièces dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense. Concrètement, cela signifie qu’un salarié ne peut invoquer une pièce qu’il aurait par exemple soustraite et qu’en aucun cas, ses fonctions ne pouvaient l’amener à détenir, quant bien même elle serait déterminante pour l’issue du litige. Qu’en est-il si le salarié dispose d’un contrat de travail le soumettant à un devoir de confidentialité et si, de plus, des documents sont explicitement couverts par le secret professionnel ? En l’espèce un cadre est licencié pour faute grave. Afin de prouver l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, il produit différentes pièces à son dossier (consultations juridiques, contrats entre sa société et des tiers…) couvertes par le secret professionnel. Il obtient gain de cause devant la Cour d’appel de Paris et l’employeur se pourvoit en cassation. La société estime que ces pièces confidentielles ne peuvent être produites par le cadre et que leur révélation est même pénalement répréhensible. Or la Haute juridiction refuse d’effectuer une distinction entre les documents, selon qu’ils soient ou non couverts par le secret professionnel, tous sont susceptibles d’être utilisés par un salarié pour se défendre : “La Cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait été contraint, pour se défendre des manquements qui lui étaient reprochés, de produire des éléments de nature à démontrer l’ampleur et la multiplicité des tâches qui lui étaient demandées, en a exactement déduit que cette production, justifiée par la défense de ses droits, était légitime ”.

C’est dit ! L’UGICA-CFTC se félicite de cette décision, propre à assurer un véritable droit de la défense. Dans le cas inverse, il aurait semblé relativement aisé pour les entreprises d’échapper à toutes actions de salariés, en classant l’ensemble des documents professionnels comme relevant du secret professionnel.