Points de vue sur l'actualité

Harcèlement moral : nouvelles précisions jurisprudentielles

La Cour de cassation a rendu, le 10 novembre dernier, deux arrêts majeurs. Elle considère que l’organisation du travail et les méthodes de gestion peuvent être à l’origine de harcèlement moral, et que le harcèlement moral peut être constitué, même s’il n’implique pas d’intention malveillante. Dans la première affaire (n°07-45.321), un salarié reproche à son directeur de l’ignorer, de communiquer avec lui par tableaux, de ne lui fournir aucune instruction, de ne pas fixer de planning de congés payés,… ce qui entraîne un état dépressif, des arrêts maladie, puis une inaptitude au poste, et son licenciement. Considérant que son inaptitude est la conséquence directe de la détérioration de ses conditions de travail, le salarié saisit la justice. La Haute Cour lui donne finalement raison : “un harcèlement moral peut être caractérisé par des méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet, ou pour effet, d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé mentale ou de compromettre son avenir professionnel ”. Dans la seconde affaire (n°08-41.497) une salariée dénonce un mauvais climat social, des conflits et des réflexions désobligeantes de la part de son supérieur. Les juges du fond estiment qu’il ne s’agit pas d’un cas de harcèlement, mais du simple exercice du pouvoir de direction et qu’il n’y a eu aucune intention malveillante. À tort, selon la Cour de cassation pour qui “ le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte (...) ”, et d’ajouter que la charge de la preuve ne pèse pas uniquement sur le salarié. Sa position est à présent conforme à l’article L. 1152-1 du Code du travail qui n’exige pas d’intention malveillante ; auparavant, elle semblait exiger une volonté de nuire (Cass.soc. 21 juin 2006, n°05-43.914). Enfin, la Haute Cour demande aux juges du fond d’appréhender l’ensemble des éléments établis par les salariés et non de fonder leur décision sur un seul, parfois pour refuser la qualification de harcèlement moral (18 novembre 2009, n°08-41.560).