Points de vue sur l'actualité

Sauver le soldat prud'homme

Pour qu'on ne puisse pas mesurer sa représentativité, le patronat préfère supprimer les élections prud'homales.

Irions-nous – bien sûr sans que cela soit dit ouvertement – vers la suppression des élections prud'homales ? Partant du constat que la participation ne cesse de diminuer depuis 1979, Xavier Darcos vient de créer un groupe de réflexion sur le devenir de ce scrutin. La raison invoquée pour justifier la réforme à venir de cette juridiction ne tient pas la route. Il faut chercher la véritable explication ailleurs et notamment au sein du MEDEF. Les élections prud'homales sont, en effet, le seul moyen de mesurer la représentativité patronale. Or, le score réalisé par la liste commune hétéroclite, composée du MEDEF, de la CGPME, de l'UPA, de l'UNAPL et de la FNSEA, ne cesse de diminuer à chaque scrutin (72 % en 2008), tandis que la liste concurrente du patronat de l'économie sociale vole de record en record : lors des dernières élections, elle a recueilli 20 % des suffrages. Aussi, pour qu'on ne puisse pas mesurer sa représentativité, le patronat préfère-t-il qu'on supprime les élections prud'homales. D'autant plus que 97% des dossiers sont présentés par des salariés, et dans 92% des cas, les juges leur donnent raison. Comme pour la réforme de la représentativité syndicale, il trouve dans la CGT et la CFDT deux alliés de circonstance. Ces deux organisations, alors qu'elles paraissent s'offusquer, à juste titre, de ce qui se trame en coulisse, sont en fait favorables à une réforme du mode de scrutin qui verrait les salariés élus dans les entreprises dans le cadre des élections professionnelles, devenir les seuls électeurs des conseillers prud'homaux. Une fois encore, la défense des intérêts des salariés passerait au second plan au profit des intérêts d'appareils. Dans ce système, les cinq millions de salariés des petites entreprises et les trois millions de chômeurs seraient exclus du scrutin. C'est comme si, sur le plan politique, on décidait d'écarter des élections sénatoriales les communes de moins de cinq cents habitants. Les salariés peuvent compter sur la CFTC qui fera tout pour empêcher que cette menace sur les conseils de prud'hommes ne devienne réalité.