Points de vue sur l'actualité

Grand emprunt national : Jacques Voisin reçu par le Président de la République, pour évoquer le rapport de la commission Juppé / Rocard sur le grand emprunt. Ci-dessous son analyse et les propositions de la CFTC

Au regard des demandes qu'elle avait formulé lors de ses auditions, la CFTC est loin d'être enthousiasmée par le rapport de la commission Juppé-Rocard.

Si le Président de la République suit les recommandations contenues dans ce document, le «grand emprunt national» ne sera ni «grand» ni «national» et ce ne sera même pas un «emprunt».

En ce sens, le rapport va à l'encontre des intentions du Président de la République.

En effet, il ne peut être qualifié de «grand»: 35 milliards dont 13 milliards correspondront à la restitution des sommes prêtées aux banques en 2008. On ne peut dire non plus qu'il soit «national», puisqu'il ne serait plus ouvert au public, comme cela était envisagé initialement, mais uniquement aux investisseurs institutionnels qui se serviront au passage. Enfin, il ne s'agirait pas d'un emprunt, mais d'une banale dépense financée, comme n'importe quel autre, par le déficit budgétaire.

L'idée de l'emprunt a été lancée pour répondre à la crise qui, est avant tout, sociale.

La priorité des priorités est donc l'emploi

La CFTC propose qu'une première partie de l'emprunt soit affectée au BTP pour construire des maisons de retraite, des pépinières destinées à aider les jeunes à obtenir un premier emploi), des logements, mais aussi à des infrastructures (routes, contournement de certaines villes, accès à certaines villes, LGV), et au développement de l'internet à très haut débit.

La seconde partie du grand emprunt devrait permettre de financer des projets précis favorables au développement durable. Certaines technologies existent déjà avec trop peu d'espoirs de développement. Il existe dans les cartons de nombreux projets qui ne peuvent être finalisés faute de crédit, les banques refusant de prendre des risques. Le rôle du grand emprunt est de financer ces projets.

Il conviendrait, enfin, qu'une troisième partie de l'emprunt permette de financer une recherche tous azimuts notamment sur le développement durable.

Toutes ces solutions doivent aller bien entendu de pair avec la formation des salariés aux métiers d'aujourd'hui autant qu'à ceux de demain et de ne pas négliger les conditions de travail: la CFTC souhaiterait qu'au nom de la dignité de la personne, la priorité soit la création rapide  d'emplois de qualité mais surtout décemment rémunérés.

La commission Juppé-Rocard a privilégié l'aspect budgétaire et financier à la dimension politique et économique, par crainte de creuser davantage le déficit des finances publiques.

La CFTC expliquera demain à l'Élysée que le problème ne réside pas tant dans le déficit en lui-même, qui doit être contra cyclique (c'est-à-dire élevé en période de crise pour soutenir l'activité et faible en période de croissance), mais dans le fait qu'une fois la crise passée et la croissance revenue, le pays aura d'autant plus de mal à réduire le déficit que le taux auquel l'emprunt est souscrit aura été élevé. Nous ne devons pas sacrifier le présent à l'avenir.