Points de vue sur l'actualité

Grand emprunt : l'effet Canada dry

Le rapport de la commission Rocard-Juppé, qui vient d'être remis au président de la République, conserve le nom et l'apparence d'un grand emprunt national, mais à la lecture des recommandations, force est de constater qu'il n'est ni grand ni national et qu'il ne s'agit même plus d'un emprunt. En effet, si Nicolas Sarkozy retient les préconisations de la commission, le montant de l'emprunt ne devrait pas dépasser 35 milliards, dont 13 correspondront à la restitution des sommes prêtées aux banques en 2008 ; l'emprunt ne serait plus ouvert au public, comme cela était envisagé initialement, mais uniquement aux investisseurs institutionnels ; enfin, il ne s'agira que d'une banale dépense financée, comme n'importe quelle autre, par le déficit budgétaire. Si la CFTC souscrit aux sept axes prioritaires retenus, elle regrette la timidité de la commission qui privilégie l'aspect financier et sacrifie le présent à l'avenir. Lors de son audition, Philippe Louis avait plaidé pour que l'emploi constitue la priorité de l'emprunt en partant du constat selon lequel les effets du plan de relance tardent à se faire sentir et que la crise continue à peser sur le monde du travail. D'où la nécessité, d'utiliser les fonds de l'emprunt pour créer des emplois sur le court, le moyen et le long terme. Telles qu'elles sont définies dans le rapport de la commission, “ les priorités stratégiques d'investissement ” risquent de ne porter leurs fruits, en termes d'emplois, que dans un futur plus ou moins lointain. Enfin, en raison du faible montant, la crainte de saupoudrage, également soulevée par la CFTC, est plus que justifiée. Parmi les priorités retenues figure, par exemple, la volonté d' “investir dans la société numérique” à hauteur de 4 milliards. Or, pour développer l'Internet à très haut débit, les experts reconnaissent qu'il serait nécessaire de débloquer environ 50 milliards… Le 25 novembre, les principaux dirigeants syndicaux sont reçus à l'Élysée. Jacques Voisin, pour la CFTC, ne manquera pas de faire part de sa déception au chef de l'État, qui ensuite tranchera.