Points de vue sur l'actualité

Rapport Stiglitz : mesurer la richesse et le progrès social

En février 2008, Nicolas Sarkozy confiait à Joseph Stiglitz, Armatya Sen et Jean- Paul Fitoussi, la tâche de réunir une commission pour réfléchir à la manière de mesurer, non seulement la croissance économique, mais aussi le progrès social. Le 14 septembre dernier, leurs travaux ont été remis au chef de l'État. Le président de la République partait du principe que le PIB ne peut à lui seul atteindre ses deux objectifs, et que les statistiques devaient rendre compte de la croissance, non plus uniquement sous l'angle de la production de biens et services (c'est le rôle du PIB aujourd'hui), mais intégrer une dimension humaine et environnementale, de justice, d'égalité et de durabilité. De février 2008 à septembre 2009, économistes, statisticiens, conjoncturistes, spécialistes de comptabilité nationale… de toute nationalité ont remis à plusieurs reprises l'ouvrage sur le métier. Le rapport rédigé pour l'occasion contient, outre un état des lieux, une analyse du contexte et une réflexion de bon niveau, douze recommandations qui vont de la nécessité de prendre en compte, en même temps que le PIB, les revenus des ménages, aux indicateurs environnementaux en passant par des indices statistiques sur la qualité de vie. La CFTC, qui réclame depuis sa création que l'homme soit placé au cœur de l'économie, ne peut être que satisfaite de ces conclusions. Mais, ce type d'exercice aussi intéressant soit-il du point de vue intellectuel, pose plusieurs questions. Avait-on besoin de réunir une commission pour prendre conscience que le PIB n'est pas le meilleur indicateur qui soit pour évaluer le bien-être ? Depuis les travaux du Club de Rome relayés par ceux du MIT au tournant des années 1960-1970, on le savait déjà. On peut également s'interroger sur la manière dont les instituts nationaux de statistiques (type Insee), européens (Eurostat) ou mondiaux (Institut international de la statistique) se saisiront de ce rapport et les suites concrètes qu'ils lui donneront. On peut, enfin, se demander si la leçon délivrée par la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a été comprise. L'encre du rapport à peine sèche, le 18 septembre, François Fillon révisait les prévisions de croissance pour 2010 en se fondant sur une augmentation de 0,75% du PIB !