Points de vue sur l'actualité

Un livre, une vie : syndicaliste des gueules noires

Le destin de Joseph Sauty, mineur et fils de mineur, né le 25 novembre 1906 à Amettes dans le Pas-de-Calais, est lié à celui de la CFTC. Très vite il participe (en 1925) à la création du syndicat des mineurs CFTC du Pas-de-Calais, dont il fut secrétaire, puis endosse les fonctions de président de la Fédération nationale des mineurs CFTC, puis de président confédéral (1964 à 1970). À partir des années 1940-1950, les mineurs subissent de plein fouet la concurrence énergétique pétrole contre charbon. Joseph Sauty mène bataille pour l'accompagnement social et participe aux négociations d'accords de reconversion en Lorraine dans les années 1950. Il se bat pour un “ juste salaire ” comme droit élémentaire et première condition d'une vie décente. La grande grève des mineurs de 1963 installe définitivement Joseph Sauty parmi les responsables syndicaux qui comptent au plan national. Du 1er mars au 8 avril 1963, les mineurs français sont en grève. Les revendications concernent principalement les salaires. Le mineur, qualifié de “ premier ouvrier de France ” au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, se sent, quinze ans plus tard, rejeté d'une économie qu'il a pourtant largement contribué à relever. En 1962, on lui refuse une hausse de salaire accordée pourtant aux autres entreprises du secteur public. Les mineurs veulent donc une augmentation de 11 % sur leur fiche de paie qu'ils considèrent comme un simple rattrapage. La CFTC devient rapidement – grâce à Joseph Sauty – leader de ce mouvement et devant l'entêtement des pouvoirs publics, et tous les autres moyens ayant été utilisés, elle lance une grève illimitée à partir du 1er mars 1963. Faisant fi de la menace du général De Gaulle de réquisitionner les mines. Le 2 mars, le couperet tombe : un décret autorisant la réquisition du personnel des Houillères du bassin et des Charbonnages de France. Ce geste renforce la conviction des grévistes. Joseph Sauty poursuit en parallèle les tractations et il est de toutes les négociations sur les salaires, dans les pourparlers avec le gouvernement, au sein de la Commission Massé chargée d'étudier la question… Le mouvement surprend par son ampleur : c'est un conflit de trente-huit jours qui a su rallier les Français à la cause des mineurs. Le pari est réussi : cette grève s'est déroulée sans débordement ni incident et elle dépasse le simple cadre sectoriel et national. Les grévistes reçoivent une aide matérielle et financière importante provenant de nombreux pays. L'honneur des mineurs sera finalement sauf. Mais le dernier puit s'est arrêté moins de trente ans plus tard. Le 21 décembre 1990 : la fosse 10 d'Oignies ferme et avec elle l'extraction du charbon dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais.

La Mine et la foi, Joseph Sauty, syndicaliste des Gueules noires, Bruno Béthouart, éd. Les Échos du Pas-de-Calais, mars 2009, 112 pages, 15 euros.