Points de vue sur l'actualité

L'État démissionnaire

Si chacun remplissait ses missions à la place qui est la sienne, nous n'en arriverions pas là !

Le constat n'est pas nouveau : la France souffre d'un déficit flagrant de dialogue social qui va en s'amplifiant. Les salariés ne sont pas entendus ; l'entreprise les considère comme une variable d'ajustement parmi d'autres, et préfèrent privilégier les actionnaires et les dirigeants. Il en résulte un sentiment d'injustice qui les pousse à des débordements dont les séquestrations de patrons sont les derniers avatars. Prenons l'exemple de l'entreprise Continental à Clairoix. Depuis l'annonce de la fermeture du site, les salariés réclament une rencontre tripartite ; en vain. Excédés, ils s'en prennent au bâtiment de la sous-préfecture de Compiègne et le saccagent. Le soir même, le secrétaire d'État chargé de l'Industrie annonce la tenue prochaine d'une rencontre tripartite… Il est désolant de constater qu'une fois de plus l'État a démissionné en renonçant à sa mission première qui est de garantir le bien commun. Partant de là, il est mal placé pour en appeler à l'État de droit. Qu'on me comprenne bien, je ne cherche pas à justifier les exactions physiques contre des personnes ou des bâtiments, mais seulement à dire que si chacun remplissait ses missions à la place qui est la sienne, nous n'en arriverions pas là ! Cela montre à quel point le rétablissement du dialogue social est nécessaire et urgent. Plusieurs pistes existent : dans un précédent éditorial, j'évoquais la généralisation de l'alarme sociale. On peut aussi réclamer le renforcement des pouvoirs des instances du dialogue social dans l'entreprise pour les rendre plus efficaces. On pourrait, notamment, associer les salariés aux orientations stratégiques des entreprises en leur ouvrant les portes du Conseil d'administration (CA), véritable lieu du pouvoir. Il ne s'agirait pas d'instaurer une cogestion à l'allemande ou une autogestion. Pas question en effet de cautionner les décisions prises si elles vont à l'encontre de l'intérêt des salariés ou du bien commun. Le Conseil d'administration deviendrait, alors, le lieu où pourrait s'exprimer le contre-pouvoir : par leur présence, leurs interventions et leurs actions, les représentants des salariés au Conseil d'administration permettraient de faire évoluer les décisions dans un sens qui leur serait plus favorable.