Points de vue sur l'actualité

Encadrement des rémunérations : un décret en toc

Pour éviter de nouveaux scandales et que les esprits ne s'échauffent à nouveau, le gouvernement a adopté un décret à la-va-vite destiné à encadrer les rémunérations de quelques grands dirigeants. Un décret a minima à défaut d'un (vrai) projet de loi qui aurait été plus ambitieux, plus controversé et dont la mise en œuvre aurait été plus longue. Les dispositions du décret s'appliquent jusqu'au 31 décembre 2010. Juste le temps de la crise pas plus ! Et ne concernent que les entreprises aidées par des fonds publics. Soit six banques – Société Générale, BNP Paribas, Caisse d'Épargne Banque Populaire, Crédit Agricole, Crédit Mutuel – et deux constructeurs automobiles – PSA Peugeot Citroën et Renault – à qui il est interdit (art. 2) “ d'accorder à ses dirigeants des stocks options, des actions gratuites. ” Les bonus sont “ autorisés en fonction de critères de performance, non liés au cours de bourse ” sauf “ si la situation de l'entreprise la conduit à procéder à des licenciements de forte ampleur. ” Pour les entreprises publiques (art. 4 à 5) et celles bénéficiant du Fonds stratégique d'investissement (art. 6) – c'est le cas d'Heuliez et Valéo, par exemple – elles devront “ respecter des règles et des principes de gouvernance de haut niveau en matière éthique ”. Les entreprises privées n'entrent pas dans le champ d'application du décret. Un seul avertissement “ à respecter le code éthique ” leur est adressé, comme s'y était engagé notamment le Medef. Ce code n'étant toujours pas respecté, un comité de sages devra être mis en place, d'ici à la fin avril afin précisément d'y veiller. En cas d'infraction (“ plan social d'ampleur ”, “ recours massif au chômage partiel ”) les dirigeants sont simplement invités à “ reconsidérer l'ensemble de leur rémunération ”. Un léger retocage donc qui évite au MEDEF une loi qui aurait été bien plus contraignante ou de devoir élaborer lui-même un dispositif d'encadrement des stocks-options des dirigeants comme le lui demandait encore récemment le gouvernement. L'Autorité des marchés financiers rendra compte en juillet de la mise en œuvre effective de ce code. S'il est un début de remise en cause du système actuel, ce décret est bien insuffisant. En temps de crise, tout le monde doit se serrer la ceinture. La question de la redistribution des richesses produites doit être abordée plus sérieusement. Certains députés proposent d'élargir l'encadrement des rémunérations aux autres grands dirigeants qui avec le décret sont passés entre les mailles du filet. Cette proposition fait l'objet d'un amendement introduit au deuxième collectif budgétaire pour 2009. Verdict final, après un second passage devant le Sénat et l'Assemblée. La ministre de l'Économie, Christine Lagarde, s'est dite prête, dimanche dernier, à durcir l'encadrement des rémunérations des patrons des sociétés aidées par l'État et sans préciser de quelle façon. Dernière option possible, aborder le sujet dans le cadre de la négociation sur la gouvernance des entreprises prévu dans l'agenda social 2009.

Décret n°2009-348 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État ou bénéficiant du soutien de l'État du fait de la crise et des responsables des entreprises publiques.