Points de vue sur l'actualité

Souffrance au travail : soigner par la parole

Marie Pezé, psychologue clinicienne et psychanalyste, vient de publier le récit de ses consultations au centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre sous le titre Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. L'auteure a repris l'intitulé du documentaire de Marc-Antoine Roudil et Sophie Bruneau (2006) dans lequel elle est filmée avec ses patients. Comme pour poursuivre le témoignage de ceux qu'elle reçoit en consultation, elle a ressenti le besoin de faire partager son Journal de la consultation “ Souffrance et Travail ” 1997-2008 – c'est le sous-titre de son ouvrage. Un bagage trop lourd à porter peut être. Les œuvres sur la souffrance au travail en librairie et en salles ne manquent pas depuis une petite dizaine d'années : Souffrance en France, de Christophe Dejours (éd. Seuil, Paris, 1998), Le Harcèlement moral ; la violence perverse au quotidien de Marie-France Hirigoyen (éd. Syros, Paris, 1998) et Malaise dans le travail (en 2001), Journal d'un médecin du travail, de Dorothée Ramaut (Le Cherche-Midi, 2006), J'ai (très) mal au travail, le documentaire de Jean Michel Carré (2007), La Question humaine, film de Nicolas Klotz (2007),... Ce foisonnement sur le thème démontre l'impérieuse nécessité de témoigner et d'imaginer des issues possibles. Marie Pezé tente justement dans son centre d'accueil d'exercer une autre forme de médecine du travail, plus ouverte, plus humaine. Dans le documentaire, les “ patients ”, tour à tour en consultation, décrivent les humiliations subies au quotidien dans l'entreprise. Ils témoignent des ravages de l'organisation du travail sur leur vie au boulot et ses implications sur leur vie tout court. Brisés, ces salariés ou fonctionnaires comme tout le monde se retrouvent prostrés, dans l'incapacité à se relever. Tous veulent s'en sortir. Briser cette spirale infernale dans laquelle ils sont entrés et dans laquelle ils s'enferrent. Mais les arrêts de travail répétés ne soignent pas leurs maux. Des scènes devenues presque banales. C'est ce qui est effrayant.

Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, journal de la consultation “ Souffrance et Travail ” 1997-2008, Marie Pezé, Éditions Pearson, septembre 2008, 204 pages, 17 euros.