Points de vue sur l'actualité

Fichiers personnels : l'employeur autorisé par le juge

Une cadre est suspectée d'utiliser son ordinateur professionnel, pour préparer son passage au service d'une société concurrente. Son employeur saisi le tribunal de commerce, en référé. Il souhaite obtenir une ordonnance autorisant un huissier de justice à accéder aux fichiers, non expressément référencés comme personnels, dans l'ordinateur de la salariée, en sa présence. Le tribunal de commerce décide de faire droit à la demande de l'employeur. L'entreprise s'est donc entourée de toutes les précautions nécessaires en matière de respect de la vie privée, puisque selon une précédente décision de la Cour de cassation du 18 octobre 2006, cette autorisation judiciaire n'était même pas obligatoire (“ les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors de sa présence ”.) Néanmoins, la cadre conteste l'ordonnance, estimant que le principe du respect de la vie privée rendait caduque le mandatement de l'huissier qui avait été ordonné. La cour d'appel ne suit pas l'argumentation de la salariée et celle-ci décide de se pourvoir en cassation. Confirmant un arrêt récent du 23 mai 2007, la Cour de cassation estime que “ le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile (article permettant des mesures d'instruction), dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ” (arrêt du 10 juin 2008).

C'est dit : L'Ugica-CFCT estime que la Cour de cassation établit, par cette jurisprudence, un juste équilibre entre les libertés individuelles du salarié et les pouvoirs de l'employeur. L'employeur peut ainsi recourir à l'intervention d'un huissier, sous le contrôle des juges (à défaut, l'Ugica-CFTC s'y opposerait), s'il a des “ raisons légitimes et sérieuses ” de craindre des actes “ pouvant porter atteinte à ses intérêts légitimes