Points de vue sur l'actualité

Les pieds dans le tapis

En signant la " position commune " sur la représentativité syndicale, la CGT et la CFDT se sont bel et bien pris les pieds dans le tapis. Les deux organisations pensaient qu'elles y gagneraient la représentativité " absolue ". Douche froide : c'est l'incompréhension de leurs militants et des salariés, car elles ont mis à mal un acquis social : les 35 heures. Explication. Le texte de cette position commune comporte un volet " temps de travail " que CGT et CFDT se sont bien gardées de porter à la connaissance de tous. Son article 17 notamment permet " à titre expérimental " de relever les contingents annuels d'heures supplémentaires par accord d'entreprise. Une porte ouverte à la remise en cause des 35 heures. La CFTC n'a eu de cesse de le répéter. Fort heureusement, l'avant-projet de loi, censé retranscrire la position commune, maintient la durée légale du travail à 35 heures. C'est un premier soulagement compte tenu de la récente cacophonie gouvernementale qui envisageait ni plus ni moins que d'y mettre un terme définitif. Mais l'avant-projet de loi offre la possibilité de fixer au sein de l'entreprise une durée réelle hebdomadaire supérieure à 35 heures, grâce aux heures supplémentaires notamment. C'est précisément là que le bât blesse. Les entreprises pourraient dépasser les contingents d'heures supplémentaires sans autorisation de l'Inspection du travail -s'il y a accord de syndicats ayant recueilli au moins 30 % des voix aux élections professionnelles et s'il n'y a pas d'opposition des syndicats représentant 50 % des salariés. La CFTC s'oppose à cette possibilité qui ouvrirait la porte à des rapports de force défavorables notamment dans les entreprises où les organisations syndicales ne sont pas présentes, mais remplacées par des élus des institutions représentatives du personnel (IRP) comme prévu dans la position commune.

Hormis le contingent d'heures supplémentaires, le texte ouvre également la possibilité de renégocier entreprise par entreprise d'autres modalités du temps de travail (repos compensateurs et forfait jours/heures). Jusqu'alors réservés aux cadres et aux salariés itinérants, le forfait heures pourra être étendu à tous les salariés par accord d'entreprise. L'avant-projet permet, de plus, de dépasser le plafond (218 jours) du forfait jours réservé exclusivement aux cadres, sans aucune limite, alors que déjà les lois " pouvoir d'achat " et en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) avaient ouvert les vannes des heures sup'. Un paradoxe et un véritable problème de santé publique que l'Ugica-CFTC a immédiatement dénoncé.

Aujourd'hui CGT et CFDT plaident non coupables. Elles accusent même le gouvernement de les avoir trompées, alors qu'il est simplement entré dans la brèche ouverte par les deux organisations syndicales, ainsi que le Medef, qui ont apposé leur signature en bas du texte. Elles s'en mordent donc les doigts aujourd'hui, et pour sauver la face appellent à manifester le 17 juin.

C'est dit : La CFTC a donc eu raison de ne pas signer cette position commune. Elle n'a, elle, rien à se reprocher et n'a pas à se racheter une bonne conduite en appelant à manifester aux côtés de la CGT et CFDT le 17 juin. Toutefois, dans le seul but de défendre les salariés qui n'y sont pour rien dans cette situation, et pour lutter contre la remise en cause des 35 heures dans toutes les entreprises du fait des accords dérogatoires, la CFTC prépare avec d'autres partenaires syndicaux des actions à mener de manière commune ou isolée ou coordonnée. Dans le même temps, la CFTC demande à nouveau que CGT et CFDT prennent le seul véritable moyen d'éteindre cet incendie -qu'avec le Medef elles ont contribué à allumer -, c'est-à-dire qu'elles retirent leur signature au bas de ce texte. L'avant-projet de loi sur le temps de travail devrait être présenté le 18 juin en conseil des ministres.