Points de vue sur l'actualitéEncore un coup durLe salarié qui se verra contraint de traverser son département pour obtenir justice y regardera probablement à deux fois avant d'assigner son employeur. Comment faire baisser le nombre de litiges liés au contrat de travail ? En instaurant plus de justice sociale : serais-je tenté de répondre avec bon sens. Mais le bon sens ne semble pas être ce qui caractérise le mieux la réforme de la carte judiciaire. Un avis très largement partagé, notamment par les professions juridiques : le président du Conseil national des barreaux ne déclarait-il pas récemment que " la réforme de la carte judiciaire aboutit à un schéma incohérent " ? À cette question le gouvernement préfère répondre par la suppression de soixante-trois conseils de prud'hommes sur les deux cent soixante et onze existants, soit près de un sur quatre environ. Le salarié qui se verra contraint de traverser son département pour obtenir justice y regardera probablement à deux fois avant d'assigner son employeur devant le conseil de prud'hommes. On est en droit de s'interroger sur la cohérence entre ces suppressions et le discours sur la nécessaire proximité entre les justiciables et leurs juridictions, préoccupation d'autant plus pertinente que la justice prud'homale s'adresse prioritairement à des salariés fragilisés, socialement et personnellement. Instance de défense des droits des salariés (et des entreprises), de la dignité sociale de personnes qui n'ont d'autre protection que le droit commun, les conseils de prud'hommes occupent une place majeure. Certes, la diminution des contentieux dans les entreprises n'est pas la motivation première du gouvernement qui souhaite, en supprimant des conseils de prud'hommes, d'abord diminuer les dépenses de l'État, mais les économies escomptées risquent de n'être que symboliques, entre la promesse gouvernementale de maintenir le nombre total de conseillers prud'hommes et des délais de traitement des affaires qui sont déjà bien trop longs. Une riposte commune à l'ensemble des organisations syndicales pourrait être envisagée qu'il faudra relayer sur le terrain pour que, in fine, la justice l'emporte. |