Points de vue sur l'actualité

" La Question humaine "

L'analogie est osée, voire risquée ou déplacée. Mettre en parallèle le monde de l'entreprise et le système nazi. L'auteur du film La Question humaine y parvient pourtant habillement. Le mécanisme fonctionne à la perfection tel le Tic-tac d'une horloge parfaitement huilée. Un procédé lent mais efficient. Sur son bleu de travail ou son costume deux pièces, chaque salarié porte un numéro. Ses données professionnelles et personnelles sont répertoriées, classées, minutieusement, dans un fichier qui porte le même numéro dans les archives de l'entreprise, un groupe pétrochimique. Le système qui a son propre fonctionnement, a aussi son propre langage dans lequel l'individu est dépossédé du sien. Le système-entreprise a procédé sciemment à un "dérèglement de la langue". L'instrument d'embrigadement est le langage. " Une langue qui absorbe petit à petit son humanité ", selon les propos de l'un des protagonistes. Mais il est déjà trop tard. Le processus est en œuvre. La prise de conscience est pourtant là. Brutale. Insupportable. Simon, psychologue, qui travaille au département ressources humaines de ce groupe pétrochimique, en fait les frais. Et cette découverte marque de manière indélébile son esprit et sa chair. Tout problème appelle une solution, quels que soient les moyens utilisés. La "question humaine" est traitée ainsi, avec un souci de perfection absolue dans la résolution du problème. Pour gommer le problème d'une restructuration par exemple, le terme " Stùcke "- pièce ou unité en allemand - est utilisé pour s'affranchir de parler de " plan social ". L'expression " passage de 1 600 unités à 1 200 " sera préférée. Les phrases prononcées bout à bout forment un langage " libéré " de tout état d'âme. Il s'agit alors de lire entre les lignes pour que le caractère avilissant de ce système apparaisse devant nos yeux. La musique qui accompagne le film est tantôt lancinante, tantôt euphorisante. Omniprésente et étourdissante. Tout comme le personnage qui sent qu'il est en train de perdre pied, de côtoyer la folie, la dépression, de se réfugier dans l'alcool. L'individu est littéralement happé par les rouages de ce système. Il y participe et y joue pourtant un rôle. La force du discours tient au fait qu'aucun "acteur " de l'entreprise n'est en particulier montré du doigt : ni le DRH ni les managers ni même les salariés. Car chacun à son poste, par la simple exécution de son travail, est une pièce du puzzle. Donc est responsable du fonctionnement global de ce système. Le spectateur aussi finalement...