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Dégradation du pouvoir d'achat : fantasme ou réalité ?

"Le pouvoir d'achat tel qu'il est mesuré officiellement peut masquer des divergences, car il fluctue en fonction de l'hétérogénéité des structures de consommation et du revenu libéré, ce sont les principales conclusions d'une étude du BIPE (société d'études économiques et de conseil en stratégie) publiée début avril et intitulé "Le pouvoir d'achat : discriminantes, les dépenses incontournables ?" Qu'est-ce-à-dire ? Trois choses : tout d'abord, que le calcul d'un pouvoir d'achat moyen ne correspond à aucune réalité et l'étude de citer cette phrase de l'économiste américain, Paul Krugman : "lorsque Bill Gates entre dans un bar où se trouvent quarante ouvriers, chaque client du bar devient en moyenne milliardaire... sans avoir touché un sou". Ensuite, que "l'inflation est partiellement inégalitaire" : un consommateur pauvre est proportionnellement plus touché par la hausse des prix qu'une personne riche. Enfin, que "les dépenses incontournables [loyer, eau, électricité, gaz, assurances obligatoires, transports... qui permettent, en les déduisant du revenu brut disponible, de calculer le "revenu libéré"] sont discriminantes d'une catégorie à l'autre".

A l'origine de cette étude se trouve le sentiment éprouvé par un grand nombre de ménages d'une dégradation de leur pouvoir d'achat depuis plusieurs années. Le BIPE révèle, ainsi, qu'ils ne sont que 12% à penser que leur pouvoir d'achat a augmenté depuis 2002 ; les autres sont 28% à penser qu'il est resté stable, et surtout 59% à estimer qu'il a diminué. En fait les raisons du décrochage entre le pouvoir d'achat mesuré et le pouvoir d'achat perçu réside principalement dans "l'évolution de la structure de consommation des ménages vers des produits innovants, mais plus chers", dans "la focalisation sur certains produits les plus courants qui ont connu des inflations plus fortes que la moyenne", dans le passage à l'euro, Mais le BIPE insiste surtout sur le fait que "toutes les dépenses ne sont pas choisies" et développe la notion de charges contraintes ou incontournables qui pèsent de plus en plus lourd dans le revenu disponible brut : de l'ordre de 29% en 2002, elles étaient de 31,8% en 2005 et atteindraient, selon les premières estimations, près de 33% en 2006 dont 16% pour les loyers et 9% pour les remboursements de crédit. Ces charges contraintes représentaient, en 2005, 34,5% des revenus des 35-44 ans, 32,7%, des 25-34 ans et 32,2%, des 45-54 ans. C'est dans la banlieue parisienne et à Paris, qu'elles sont les plus élevées puisqu'elles s'élèvent respectivement à 34,4% et 32,5% toujours en 2005.