Points de vue sur l'actualité

Les chiffres du chômage se jouent-ils de la réalité ?

Quelle est la réalité du chômage, aujourd'hui en France ? Difficile à dire, tant il existe de définitions et de mode de calcul. La définition la plus communément admise est celle du Bureau international du travail (BIT) reprise par l'Insee : sont considérées comme chômeurs, " les personnes sans emploi à la recherche effective d'un emploi et immédiatement disponibles.

Ces données sont estimées mensuellement à l'aide d'un modèle économétrique calé une fois pour toutes sur les résultats de l'enquête emploi de l'Insee " (1). " Une fois pour toute " signifie pour douze mois - soit de mars de l'année (n) à mars de l'année (n+1) - et non ad vitam aeternam, comme pourrait le laisser supposer l'Insee. En se référant à cette définition, le taux de chômage s'élève à 8,6% au 31 décembre 2006, son meilleur niveau depuis 2001. Il ne s'agit, là, que de " données provisoires, selon l'Insee, dans la mesure où elles reposent uniquement sur les statistiques de l'ANPE, qui ne fournissent qu'une approximation du concept de chômage au sens du BIT " (2). Pour avoir une idée claire du nombre de chômeurs, l'Insee les répartit en huit catégories. Or, selon les statisticiens, il ne sert à rien de commenter l'évolution des chômeurs de la catégorie 1 (définition du BIT), si l'on ne commente pas, parallèlement, l'évolution des chômeurs des catégories 4 et 5. Or, il se trouve que, selon le collectif les Autres chiffres du chômage (ACDC), les effectifs de la catégorie 4 (" personnes sans emplois, non immédiatement disponibles ", notamment les chômeurs en formation) ont augmenté de 5% en un an et ceux de la catégorie 5 (" personnes pourvue d'un emploi, à la recherche d'un autre emploi " : il s'agit souvent des personnes en CDD, en intérim ou à temps partiel subi) ont littéralement " explosé ", avec un accroissement de 47%. Enfin, le même collectif relativise la diminution du chiffre " officiel " du chômage en notant que le nombre de radiations a augmenté de 39% en un an et que les chômeurs sont de plus en plus nombreux à ne plus s'inscrire à l'ANPE. Est-ce à dire qu'il n'y aurait pas d'embellie sur le front de l'emploi ? Là encore, la réponse n'est pas aussi simple. Les économistes sont d'accord pour reconnaître que le nombre d'emplois créés est réel. En témoigne l'augmentation des encaissements de l'Acoss, qui a enregistré 400 000 actifs de plus en près de deux ans, et la diminution, en décembre 2006 par rapport à novembre, de 1,2% du nombre d'allocataires de l'assurance chômage. Autre donnée qui contribue à la diminution du chômage : les départs en retraite. Conclusion provisoire, en attendant, les " vrais " chiffres de l'enquête emploi : le chômage a diminué, mais dans des proportions moindres que celles mises en avant par le gouvernement. Du travail reste à faire, notamment concernant le chômage des jeunes et des seniors. Pour la première catégorie, la CFTC accueille avec satisfaction la proposition faite par Jean-Louis Borloo de réunir les partenaires sociaux afin de parvenir en trois ans à 100% de jeunes qualifiés. A propos de la seconde, la CFTC se désole du peu de succès rencontré par le CDD senior à l'élaboration duquel elle a contribué.

A quels chiffres se vouer alors ? Les statisticiens sont unanimes : à l'enquête emploi annuelle de l'Insee qui se fonde, non pas sur les chiffres de l'ANPE, mais sur un recensement effectué sur un échantillon représentatif de 75 000 personnes. Or, cette année, l'Insee a prévenu que cette enquête ne serait pas rendue publique, en mars, mais en septembre pour raisons techniques, mais on ne peut s'empêcher de voir, dans ce retard, d'autres raisons. Traditionnellement, l'enquête annuelle revoit à la hausse les chiffres mensuels : cette année, il faudrait ajouter, selon les experts, 0,5 points de plus : ce qui fixerait le taux de chômage officiel à 9,1%.

(1) informations rapides n°37 du 31 janvier 2007
(2) in Premières informations n° 06.1 de février 2007