Points de vue sur l'actualité

L'autorité hiérarchique est-elle une forme d'organisation archaïque ?

C'est la question que se pose le sociologue Loup Wolff dans un récent rapport de recherche* pour le Centre d'études de l'emploi. Selon lui, le travail d'encadrement hiérarchique traditionnel se serait progressivement dévalorisé car son effet sur la motivation des salariés est jugé désastreux : " la hiérarchie est perçue comme le reflet en entreprise de la bureaucratie et donc comme une forme de domination désormais à bannir. " Elle serait, en conséquence, source d'inefficacité organisationnelle et incompatible avec le désir croissant d'autonomie des salariés. L'auteur relève trois évolutions affectant la fonction d'encadrement hiérarchique qui en dévaloriseraient l'exercice. Premièrement, alors que le niveau de diplôme agit positivement sur les chances d'encadrer, les " encadrants " très diplômés ne représentent qu'une faible proportion de la population totale des " chefs ". Un constat que partage l'Insee dans une étude datant de 1998 : un chef sur deux est soit sans diplôme, soit titulaire d'un CAP/BEP. A contrario, depuis 1984, le niveau moyen de qualification de l'ensemble des salariés croît plus vite que le niveau moyen de qualification des " encadrants ". Ensuite, les salariés assumant des responsabilités hiérarchiques sont de moins en moins bien rémunérés : l'écart de salaire entre les " encadrants " et les " non-encadrants " passe de 70% en 1991 à 60% en 1998. Pour les salariés diplômés, encadrer est donc devenu moins intéressant financièrement. Enfin, les responsables occupent de plus en plus des positions intermédiaires dans l'entreprise : en 1998, les professions intermédiaires représentaient 35,3% des " encadrants ", contre 30,8% pour les cadres. Aujourd'hui la notion de cadre s'éloigne peu à peu de sa définition originelle à savoir encadrer du personnel et " désigne principalement un statut salarial valorisé ", précise l'auteur du rapport. Un constat que partage l'Ugica-CFTC, depuis plusieurs années déjà, qui ajoute que les qualités désormais requises pour disposer de ce statut ne correspondent plus au rôle traditionnel de l'autorité hiérarchique, mais beaucoup plus à un rôle de manager.

* Loup Wolff. Transformations de I'intermédiation hiérarchique. Novembre 2005.