Points de vue sur l'actualité

Vous avez dit patriotisme économique ?

Dans une économie libérale mondialisée, quel sens donner au patriotisme économique ? Pour la CFTC, il faut cesser de manipuler des concepts qui n'ont aucun lien avec la réalité économique et ont pour seul objectif de laisser penser que l'Etat conserve la volonté de peser sur les choix économiques de la France alors que, dans le même temps, il se prive de nombreux moyens d'action. Une remarque qui vaut également pour l'Europe.

La CFTC refuse donc de placer la fusion de Suez et de Gaz de France sur ce terrain. Ce regroupement pose, néanmoins, plusieurs questions : l'emploi, la continuité du service public de l'énergie, la fragilité du capitalisme et l'absence de l'Europe.

Qu'une entreprise française soit rachetée par une entreprise italienne, où est le problème à partir du moment où l'emploi est garanti ? Or, c'est justement là que le bât blesse ! Le projet industriel d'Enel avait pour conséquence de morceler le groupe Suez en plusieurs entités, puis de filialiser. Que seraient, alors, devenus les salariés ? D'où la nécessité, pour le gouvernement français d'agir rapidement pour sauvegarder l'emploi. Le choix de fusionner Suez et Gaz de France constitue, de ce strict point de vue, un moindre mal, et la CFTC ne peut que le soutenir.

Il n'en demeure pas moins que ce projet contient en germe la privatisation, à terme, de Gaz de France et, par voie de conséquence, de son concurrent direct : EDF. D'où les inquiétudes de la CFTC concernant la garantie de la continuité du service public du gaz et de l'électricité. La CFTC estime, en effet, que la finalité d'une entreprise privée, qui est la maximisation de son taux de profit, aille à l'encontre du bien commun. A cette crainte, s'ajoute celle de voir grimper, en même temps que les bénéfices des deux groupes, les tarifs du gaz et de l'électricité. Cette crainte s'appuie sur les précédents du téléphone et du pétrole.

Enfin, cette affaire met en lumière l'impuissance de l'Europe et l'absence de politique industrielle volontariste à l'échelon européen. La CFTC craint que l'Europe ne soit pas, à terme, capable d'assurer son indépendance énergique, faute de s'en être donné les moyens. La CFTC regrette que la Commission se contente de veiller au bon fonctionnement de la concurrence entre grands groupes privés au lieu de garantir ses intérêts stratégiques du continent, notamment en matière énergétique.

L'absence d'un projet européen ambitieux conduit les Etats à agir de manière désordonnée et à veiller eux-mêmes à la défense de leurs intérêts stratégiques. Reste à savoir quels moyens l'Etat, à défaut de l'Europe, met en œuvre pour garantir les intérêts stratégiques !