Points de vue sur l'actualitéLes cadres tenus à une obligation particulière de moralitéDes actes relevant exclusivement de la vie privée des cadres peuvent-ils constituer une cause légitime de licenciement ? Sont-ils soumis à un devoir de moralité, de déontologie plus important que des salariés ayant des responsabilités moins conséquentes dans la société ? La Chambre sociale de la Cour de cassation se devait de répondre à cette double interrogation, dans un arrêt du 25 janvier 2006. Une cadre commercial d'une banque était poursuivie sur le plan pénal pour sa participation dans une affaire de vol et trafic de véhicules. Apprenant la nouvelle, l'employeur décidait de la licencier pour faute grave. La Cour de cassation avait été préalablement saisie et avait renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Bordeaux. Celle-ci, après dix années de procédure (le licenciement datant de 1996) entérinait la faute grave. Or la salariée décidait de se pourvoir une seconde fois en cassation. En principe, rappelle la Cour, il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie personnelle. Il s'agit là d'une jurisprudence constante se justifiant par le respect de la vie privée du salarié qui, hors de ses fonctions, mène la vie qu'il entend. On imagine aisément les risques sous-jacents dans le cas inverse. Mais de manière classique également, ce principe est tempéré dans l'hypothèse ou le comportement reproché au salarié créé un trouble caractérisé dans l'entreprise. Dans ce cas, nonobstant le fait que son comportement ne résulte pas directement de l'exercice de ses fonctions, l'image de l'entreprise peut être affectée. Il s'agit précisément du raisonnement de la Cour de cassation en l'espèce : " Compte tenu de la finalité propre de l'entreprise ", une banque, le comportement du salarié avait manifestement crée un trouble caractérisé à cette dernière. Mais il est également intéressant de relever le second point mis en avant pour justifier le licenciement pour faute grave. L'arrêt mentionne explicitement que la salariée en question était cadre commercial dans une banque et était tenue, à ce titre, " d'une obligation particulière de probité à laquelle elle avait manqué en étant poursuivie pour des délits reconnus d'atteinte à la propriété d'autrui " ce qui justifiait la rupture immédiate, sans préavis, de son contrat de travail. Autrement dit, les fonctions exercées sont clairement prises en compte dans la décision. La solution aurait-elle été identique si les fonctions de celle-ci avaient été moins importantes ? En l'espèce, la Cour de cassation s'est livrée à une analyse concrète des faits et il ne semble pas que cet arrêt autorise l'employeur à s'immiscer dans la vie privée du cadre. L'Ugica ne peut donc qu'en être satisfaite. Il s'agissait dans cette affaire d'un cas extrême, ayant un impact manifeste sur l'image de l'entreprise. En outre, chaque client d'une banque est en droit d'exiger une moralité au-dessus de tout soupçon de ses cadres. |