Points de vue sur l'actualité

La relation salariale réduite à sa seule expression pécuniaire

Un poste de cadre commercial en CDI mis à prix 1 500 euros bruts mensuels. Qui dit moins ? Annoncés en fin d'année dernière, les sites d'enchères inversées devaient révolutionner le recrutement. Or en pratique, les cadres et les recruteurs français restent très méfiants : le résultat est très loin de celui escompté puisque le principal site ne propose qu'une cinquantaine d'offres.

Le principe est le suivant : une entreprise publie une offre d'emploi en ligne en indiquant un salaire, puis chaque candidat fait une proposition de collaboration en affichant son tarif. Au final, le moins disant remporte la mise. Venu d'Allemagne, ce concept a donc traversé le Rhin en fin d'année dernière, mais sans grand succès pour le moment, alors même que la parution des annonces est gratuite.

Les recruteurs se montrent en effet très sceptiques, voire franchement hostiles à ce principe d'enchères inversées, notamment pour une question d'image. Ils ne veulent pas passer pour des recruteurs de salariés au rabais. Du côté des cadres, l'accueil est également glacial. Pour l'Ugica-CFTC, réduire un candidat à sa rémunération revient à faire l'impasse sur d'autres critères déterminants : degré de motivation, qualités humaines ou même simplement compétences. D'ailleurs, selon Patrick Pedersen, directeur des opérations de Monster.fr : " Chez Monster, nous n'y croyons pas du tout. Nous estimons, au contraire, que c'est en plaçant les meilleurs candidats que l'on gagne de l'argent. Car les entreprises recrutent avant tout des compétences et sont prêtes à les payer à leur juste prix. Recruter via un système d'enchères inversées revient à faire de fausses économies. Des salariés moins bien payés sont moins productifs. "

Mais, hormis l'aspect moral et psychologique contestable de cette nouvelle façon de recruter, il n'existe malheureusement aucune disposition législative ou réglementaire pour interdire les enchères inversées. Le Code du travail et le Code pénal viennent seulement encadrer le contenu des offres d'emploi, les modalités de leur publication et les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des candidats à un emploi. Dès lors que l'offre d'emploi satisfait à ces conditions et se trouve à un niveau de rémunération supérieur ou égal au Smic (ou au salaire conventionnel), elle est alors conforme au code du travail. En ce sens, Nathalie Kosciusko-Moriset, députée UMP de l'Essonne, a déposé une proposition de loi visant à interdire la pratique des enchères inversées pour la conclusion d'un contrat de travail. Selon elle, " cette pratique ne paraît pas correspondre à notre conception du travail ", un avis entièrement partagé par l'Ugica-CFTC. Cet amendement a été adopté par la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2006.