Points de vue sur l'actualité

Alertes éthiques : la volte-face de la Cnil

Quelques mois après avoir refusé son autorisation à des " lignes éthiques " - baptisées outre-Atlantique " Whistleblowing " - dispositif permettant le signalement des comportements fautifs des salariés par d'autres salariés, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) est revenue sur son opposition de principe. Alors que la Commission craignait qu'elles ne conduisent à un système organisé de délation professionnelle, cette position n'était pas sans poser des difficultés au regard de la loi américaine Sarbannes-Oxley du 30 juillet 2002, imposant ce type d'alerte dans le domaine financier. La Cnil a donc adopté, le 10 novembre 2005, un document d'orientation soumettant ces lignes éthiques à une décision d'autorisation unique, dépendante du respect de règles de fond et de forme. La Commission insiste tout d'abord sur le caractère facultatif et complémentaire des lignes éthiques par rapport à d'autres modes d'alertes. Sa mise en œuvre doit dès lors répondre à une obligation législative ou réglementaire (cas du secteur bancaire par exemple) ou à un intérêt légitime. D'autre part, la Cnil limite son recours à un champ précis : la corruption. De plus et il s'agit du plus important danger intrinsèque à ce système, la Commission recommande une identification de l'auteur de l'alerte (principe de non-anonymat). Pour Alex Tùrk, président de la Cnil, " ce n'est qu'ainsi que la protection contre les représailles pourra être assurée, que l'on évitera les dérapages et que l'on disposera de tous les éléments pour mesurer la portée de l'alerte ". Pour autant, l'alerte anonyme n'est pas exclue mais devra être entourée de précautions particulières, notamment en matière de diffusion, et il ne devra pas y avoir d'incitation à l'anonymat par l'entreprise.

En outre, le recueil et le traitement des alertes doivent être confiés à une organisation spécifique mise en place au sein de l'entreprise pour traiter ces questions et composée de " professionnels avisés ". Enfin, la Cnil recommande que la personne visée par une alerte soit informée dès l'enregistrement de celle-ci (ou après l'adoption de mesures conservatoires destinées notamment à prévenir la destruction de preuves) afin de pouvoir exercer ses droits d'opposition, d'accès et de rectification.

Si l'entreprise adopte un dispositif d'alerte conforme à ces prescriptions, elle bénéficiera alors de la procédure simplifiée de l'autorisation unique : la confiance de la Cnil se fera a priori, sans délai et sans instruction. Mais la commission pourra effectuer un contrôle a posteriori. A contrario, si l'entreprise désire adopter un dispositif d'alerte hors de ce champ (étendu par exemple à d'autres infractions comme le harcèlement ou simplement en vue du respect de son règlement intérieur) alors l'autorisation devra être expresse et sera soumise à une analyse casuistique de sa légitimité et de sa proportionnalité.

L'Ugica est par principe opposée au système d'alertes éthiques, notamment face au risque de dénonciation calomnieuse qu'il est susceptible d'engendrer. Notre union sera donc très attentive tant à sa mise en place, qu'à son application concrète au sein des entreprises car les cadres seront la principale cible d'un tel dispositif.