Points de vue sur l'actualité

Clause de non concurrence : conséquences d'une renonciation tardive

Depuis le retentissant arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2002 (n° 00-45.135), les clauses de non-concurrence doivent être assorties d'une contrepartie pécuniaire. Ces clauses étant cependant instituées dans l'intérêt de l'entreprise, l'employeur peut donc y renoncer, libérant ainsi le cadre de son obligation.

Récemment, un nouveau problème s'est posé dans l'application de ce principe. En l'absence de renonciation explicite de l'employeur, ce dernier doit donc verser l'indemnité au cadre. Réciproquement, le cadre ne doit pas faire concurrence à son ex-employeur, dans les termes prévus par la clause. Mais que se passe-t-il dans l'hypothèse d'une renonciation tardive de l'employeur ? Le fait que le salarié ait fini par accepter un emploi chez un concurrent le prive-t-il de son droit à indemnité ?

La Chambre sociale de la Cour de cassation a répondu à cette double interrogation dans un arrêt du 13 septembre 2005 (n° 02-46.795). Dans le cas soumis à la Cour, l'employeur disposait, selon la convention collective applicable, d'un délai de huit jours après la réception de la lettre de licenciement par le salarié pour pouvoir renoncer à la clause. Or la lettre de renonciation de l'entreprise avait été notifiée hors délai. Mais, dans le même temps, le salarié avait été embauché par un concurrent.

La Cour d'appel de Paris avait alors estimé que la renonciation tardive de l'employeur rendait celle-ci inopérante et qu'en conséquence, l'on ne pouvait reprocher au salarié d'avoir accepté un emploi chez un concurrent. L'intégralité de l'indemnité devait donc être versée à ce dernier.

C'est sur ce dernier point que la Cour de cassation est venue censurer la Cour d'appel. Dans la logique de précédentes décisions, elle a estimé qu'il était plus équilibré d'accorder, non pas l'intégralité de la contrepartie pécuniaire au salarié, mais seulement celle correspondant à la période pendant laquelle le cadre s'est conformé à son obligation. Autrement dit, il est nécessaire de conserver à l'esprit qu'un contrat de travail n'est qu'un dérivé du contrat de droit commun. Et donc, en vertu du mécanisme de l'exception d'inexécution, inhérent à tous contrats synallagmatiques, en cas de renonciation tardive par l'employeur à une clause de non-concurrence, le salarié ne peut obtenir le paiement de la contrepartie qu'autant qu'il a lui-même respecté son obligation.