Points de vue sur l'actualité

Un marché de l'emploi prometteur, mais un moral en berne

L'Apec a rendu public, ce mois-ci, les résultats de son enquête intitulée " Les cadres en 2005 : quelles réalités ? ". Il en ressort deux tendances principales et paradoxales. Alors que dans un contexte économique morose, l'année 2005 est " un bon cru " pour le marché de l'emploi des cadres, ces derniers semblent avoir une vision pessimiste et l'on évoque régulièrement un " malaise " qui les affecterait.

S'agissant tout d'abord des chiffres estimés pour 2005, l'Apec planche sur un recrutement total de 160 000 cadres, soit 8% de plus qu'en 2004. En début d'année, les entreprises traditionnellement prudentes dans leurs prévisions n'anticipaient qu'un volume d'embauchés compris entre -3% et +5%. Le marché de l'emploi cadre renouerait donc avec la croissance en 2004-2005, puisque l'année 2004 avait elle aussi été une année positive avec 148 000 recrutements, après deux années consécutives de ralentissement en 2002 et 2003. Autre donnée encourageante, le taux de chômage des cadres est deux fois moins élevé que celui de l'ensemble des salariés puisqu'il s'établit, selon l'Insee, à 4,8%.

Quant au malaise dont souffrirait les cadres, il s'explique notamment, selon l'étude, par une profonde mutation de la relation des cadres avec leur entreprise. Le modèle entrepreneurial a longtemps dominé : la position du cadre était fondée sur la délégation de pouvoir, sur ses compétences techniques et sur son ancienneté. Depuis les années 2000, le modèle dit " financier " prime : le pouvoir désincarné de l'actionnaire prédomine, les décisions sont prises en dehors de l'entreprise, la logique est de plus en plus spéculative, la flexibilité de mise,... Les valeurs relationnelles perdent ainsi du terrain et la pérennité de l'emploi n'est plus au rendez-vous, d'où le malaise des cadres.

Pourtant, malgré ces craintes, l'enquête relève que 53% des cadres considèrent avoir une motivation forte et donnent une note moyenne de 7,8 sur 10 quant à l'intensité de leur " plaisir " à aller travailler. Et cette forte motivation résulterait de la reconnaissance de leur compétence, de leurs efforts et de leurs résultats par les managers et par le marché. Autrement dit, la rémunération est certes un levier essentiel, mais il n'est pas suffisant pour motiver les cadres.