Points de vue sur l'actualité

Ce point de vue est la transcription d'un article paru dans le journal l'Union, dont voici une numérisation des pages originales (page 1,page 2).

Tensions, violences : le mal de l'inspection du travail

Après l'assassinat de deux contrôleurs du travail, en Dordogne l'an dernier, la profession souffrait d'un sentiment d'insécurité. A Soissons, une contrôleuse a été agressée par un restaurateur. L'inspecteur souhaite qu'on cesse de mépriser le métier.

L'anniversaire de ce début septembre résonne douloureusement à l'inspection du travail de Soissons. Non seulement parce qu'il rappelle à leurs collègues contrôleurs que Sylvie Tremouille et Daniel Buffière ont été assassinés « durant l'exercice de leur mission de protection des salariés » dans un village de Dordogne, l'an dernier, mais aussi parce que « les agressions se sont multipliées ». Bruno Labatut-Couairon, inspecteur du travail, n'a pu que le constater, dès sa nomination à Soissons.

Il débarque du Sud-Ouest le 5 juillet dernier. À peine prend-il ses fonctions dans la section de Soissons qu'il se rend au tribunal pour soutenir une de ses contrôleuses. Le 1er juillet, lors d'un contrôle chez un restaurateur de la ville, « elle est mise à la porte, manu militari »... « Elle l'avait déjà contrôlé et lui avait demandé de fournir des relevés d'horaires. Elle y est retournée par la suite avec un salarié licencié qui ne parvenait pas à obtenir ses papiers », indique l'inspecteur, aussi président national du syndicat CFTC Travail. Cette seconde visite tourne au vinaigre : tandis que la contrôleuse se fait « raccompagner » à la porte du restaurant, l'employé est bousculé et blessé.

Jusqu'à l'audience

Le restaurateur, poursuivi notamment pour violence volontaire sur personne chargée d'une mission de service public, a dû en répondre à la barre du tribunal, quelques jours plus tard. En attendant le délibéré qui devrait être rendu le 10 octobre, un sentiment s'enracine, celui de « ne pas être reconnus par la Justice », au regard de la peine requise, une amende avec sursis. D'autant plus que les contrôleurs ont souvent « l'impression de travailler dans le vide. On dit dans les services que seulement 2% de nos PV arrivent jusqu'à l'audience ». Après une visite de contrôle, la plupart des sociétés reçoivent une simple lettre d'observation. « Le mois dernier, sur 22 entreprises visitées, j'ai dressé un procès verbal », donne en exemple le syndicaliste. Conclusions : le Code du Travail est globalement respecté et les contrevenants, malgré leur signalement, passent régulièrement au travers des mailles du filet judiciaire.

« Rien n'a changé »

Le tract de la CFTC n'hésite donc pas à parler d'une « extrême solitude des agents de contrôle qui exercent une mission qui dérange jusqu'à (leurs) propres ministères de tutelle ». Le comble ! Pour le syndicaliste, la profession souffrirait encore d'une réputation vieille des années 70, « Des gens de gauche qui sont là pour casser des patrons de droite. Il ne faut pas oublier que sans les patrons il n'y a pas de salariés ». De leurs côtés, les patrons « devraient trouver notre métier utile. Rien que parce que nous faisons respecter la concurrence ». Un an après le double assassinat, les contrôleurs et inspecteurs du travail souhaiteraient qu'on « cesse de mépriser » leur travail ou encore obtenir des effectifs supplémentaires. Symboliquement, les services étaient fermés vendredi en mémoire des deux collègues décédés mais un an après, « Rien n'a changé ! ». Bruno Labatut-Couairon sait particulièrement que « les rapports sont relativement tendus, surtout dans la restauration et le bâtiment ». La décision du tribunal les rassérénera, ils l'espèrent.

Ludivine Bleuzé.