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Attention, salariés en danger

Les faits, tout d'abord. En France, 366 000 salariés sont exposés à des produits pouvant entraîner des mutations ou avoir des effets toxiques sur leur descendance. Tel est le résultat d'une enquête réalisée en 2003 et rendue publique par la Dares (ministère du Travail) le 10 août dernier. Les produits les plus fréquents sont le chrome et ses dérivés, qui représentent 58% des cas, et le benzène (25%).

Environ 186 000 personnes, soit 1% du champ étudié par la Dares, sont exposées à des produits mutagènes, c'est-à-dire pouvant entraîner des mutations. La moitié des expositions est ponctuelle et les trois quarts des salariés exposés subissent des intensités faibles ou très faibles. L'utilisation des produits " semble bien maîtrisée pour la moitié des salariés exposés "et les protections collectives et individuelles mises à disposition sont " plus fréquentes " que pour les produits cancérogènes.

Le constat est moins favorable pour les quelques 180 000 personnes exposées à des produits reprotoxiques - c'est-à-dire toxiques pour la reproduction - et notamment au plomb et à ses dérivés. Si 60% des expositions sont inférieures à deux heures par semaine, 13% d'entre elles dépassent les vingt heures. En outre, dans un cas sur trois, les salariés ne disposent d'aucune protection.

Ce sont les salariés ayant des fonctions de production ou de maintenance qui sont les plus exposés, suivis des salariés exerçant des fonctions de recherche, étude, méthode et informatique. Les secteurs les plus concernés sont la métallurgie, la chimie, l'industrie des équipements mécaniques, les services aux entreprises et la construction.

" Pour la CFTC, cette étude du ministère du Travail démontre la nécessité de mettre en place une législation européenne sur les produits chimiques ", commente Pierre-Yves Montéléon, chargé de la Santé au travail à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Une proposition de réforme de la législation européenne sur les substances chimiques (communément appelée " Reach " du nom du commissaire européen qui en est à l'origine) est en cours d'élaboration depuis 2003. Elle a notamment pour objectif d'instaurer un système d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation pour les substances chimiques, de manière à proscrire l'utilisation de produits dont on ne connaît pas les effets sur les utilisateurs (travailleurs et consommateurs) et sur l'environnement. Mais elle se heurte au lobbying intense des industriels de la chimie qui n'ont de cesse de vouloir l'édulcorer.

" Des mesures rapides peuvent également être envisagées comme la substitution de produits toxiques par des produits non toxiques, la ventilation des locaux..., poursuit Pierre-Yves Montéléon. On peut, enfin, accroître les sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas la législation en matière de sécurité au travail. "