Points de vue sur l'actualitéLe mirage Tony BlairLa réélection de Tony Blair - plus serrée que prévue - a relancé le débat autour du modèle britannique de croissance. Durant la campagne électorale, les commentateurs n'ont pas hésité à dresser un bilan positif de la politique menée par le Premier ministre anglais sortant ; certains sont même allés jusqu'à réclamer sa mise en place en France. Le modèle tant vanté n'est pourtant pas la panacée. Frappée par la précarité et la désindustrialisation, bridée par une faible productivité, l'économie britannique a-t-elle misé sur une réelle politique de croissance ? Les supposées prouesses accomplies par les travaillistes en matière d'emploi ne cessent d'être montrées en exemple. Certes, le taux de chômage britannique est nettement inférieur au taux de chômage français, mais que recouvre réellement ce marché de l'emploi tant envié ? Les Britanniques manifestent un enthousiasme très modéré vis-à-vis d'une politique de l'emploi... dont ils sont les premières victimes. L'amère potion administrée a multiplié les emplois précaires et les temps partiels subis (25,5% contre 16,7% en France). Quant au montant des allocations chômage, il est inférieur à 350 euros par mois, quel que soit le salaire de référence. De plus, près de 3 millions de personnes bénéficiaires d'allocations d'incapacité sont opportunément écartées des statistiques, alors que 40% d'entre elles déclarent vouloir travailler. Aujourd'hui, un nombre croissant de salariés sont contraints de multiplier les petits boulots pour survivre. La proportion de personnes vivant avec un revenu inférieur à 60% du revenu médian atteint 22% en Grande-Bretagne, contre 15% en France. Ne succombons pas à un enthousiasme naïf à l'égard d'un modèle qui mêle précarité et manœuvres politiciennes. Pour illustration, l'édifiante fiction rediffusée le 8 mai sur Arte, qui aura eu de quoi surprendre plus d'un inconditionnel des années Blair. |