Points de vue sur l'actualité

Le forfait jours des cadres viole la charte sociale européenne

Le Comité européen des droits sociaux (CEDS), par décision du 30 novembre 2004 rendue publique récemment, estime que le droit français viole la Charte sociale européenne sur deux points : le forfait jours applicable aux cadres intermédiaires et l'imputation du temps d'astreinte sur le temps de repos.

S'agissant tout d'abord du forfait jours, le CEDS observe qu'aucune limite à la durée quotidienne et hebdomadaire de travail n'est fixée dans la disposition légale interne. Il n'existe en effet sur ce point que deux limites indirectes : le droit à un repos quotidien de onze heures consécutives et à un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives. En conséquence, les cadres intermédiaires peuvent être amenés à réaliser 78 heures par semaine, contrevenant ainsi à l'article 2, paragraphe 1 de la charte. De plus, le comité estime que ce système a supprimé toute possibilité pour les cadres d'être rémunérés en heures supplémentaires, entraînant une violation de l'article 4, paragraphe 2 de la Charte européenne selon lequel les travailleurs ont le droit à un taux de rémunération majoré pour les heures supplémentaires. S'agissant ensuite de l'articulation des temps d'astreinte et de repos, le CEDS considère là encore que le droit français viole l'article 2 de la Charte. Rappelons, en effet, que depuis la loi Fillon du 17 janvier 2003, destinée à contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation, les périodes d'astreinte, exception faite de la durée d'intervention, sont imputées sur le temps de repos.

Or, pour le Comité, les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas du temps de travail effectif, ne peuvent être assimilées sans limitation à du temps de repos au sens de la Charte. Car l'absence de travail effectif, constatée a posteriori, pour une période de temps dont le salarié n'a pas eu a priori la libre disposition, ne peut être totalement assimilé à du temps libre. Pourtant, les suites de cette décision s'avèrent des plus incertaines car la portée des décisions du CEDS est relative : il est seulement tenu de transmettre un rapport au Conseil des ministres, organe politique, qui devra alors adopter une résolution. En d'autres termes, ce dernier a le pouvoir de "neutraliser" la décision du CEDS, ce qu'il a déjà fait en mars 2002 à propos de la loi Aubry II, en prenant le contre-pied d'une décision du CEDS de décembre 2001. Seule l'introduction de la Charte des droits fondamentaux (qui a priori serait également en contradiction avec le droit français) dans le traité constitutionnel, à condition d'un vote positif des français, permettrait alors à la Cour de justice de condamner ces dispositions. Contact : Simon Denis au secrétariat de l'Ugica-CFTC au 01 44 52 49 82 ou ugica@cftc.fr