Points de vue sur l'actualité

La validité des clauses de non-concurrence

Les cadres, dans leur grande majorité, sont soumis à une clause de non-concurrence envers leur ex-employeur. Ces clauses doivent répondre à différentes conditions de validité (conditions cumulatives) exigées non pas par la loi mais par la jurisprudence. Ainsi, ces limitations à la liberté du travail doivent être indispensables à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitées dans le temps et dans l'espace et tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié. Mais surtout, depuis un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, elles doivent comporter l'obligation pour l'employeur de verser au cadre une contrepartie financière. A défaut, ces clauses encourent la nullité. Dans ces conditions, quel sort doit-on réserver aux clauses sans indemnité compensatrice, prévues par des contrats conclus avant ce revirement ? Un arrêt récent de la Cour de cassation (chambre sociale, le 17 décembre 2004), confirmant des arrêts précédents, estime qu'une telle clause est illicite, qu'elle ait été conclue avant ou après le revirement de 2002. Mais l'intérêt principal de cet arrêt de 2004 réside dans la motivation du pourvoi patronal et la réponse apportée par les Hauts magistrats.

En effet, l'employeur reprochait à la Cour d'appel d'avoir annulé la clause de non-concurrence alors qu'en application des dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, selon lesquelles toute personne à le droit à un procès équitable, il serait interdit au juge d'appliquer rétroactivement un revirement de jurisprudence. En l'espèce, l'employeur prétendait qu'il s'était simplement conformé à la jurisprudence en vigueur lors de la conclusion de la clause et que celle-ci ne soumettait nullement leur validité à l'exigence d'une contrepartie financière.

Autrement dit, la thèse de l'employeur pouvait se défendre : il n'est pas équitable d'appliquer à un justiciable une règle inconnue par lui au moment où il a agi. Il s'agit d'ailleurs d'un principe fondamental de droit pénal : la non rétroactivité de la loi pénale (sauf si elle est plus favorable au justiciable).

Cependant, par une motivation tout aussi louable, la Haute juridiction réaffirme sa position en justifiant l'exigence de la contrepartie financière par l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle. Implicitement, la Cour de cassation fait donc primer la liberté du travail du cadre sur la sécurité juridique patronale. Contact : Simon Denis au secrétariat de l'Ugica-CFTC au 01 44 52 49 82 ou ugica@cftc.fr