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Changement des conditions de travail : présomption de bonne foi de l'employeur

Par deux arrêts du 23 février 2005, la chambre sociale de la Cour de cassation renverse la charge de la preuve dans l'hypothèse d'un changement des conditions de travail effectué par l'employeur. Qu'il mette en œuvre une clause de mobilité ou qu'il change les conditions de travail d'un salarié en dehors de toute clause, l'employeur devait alors démontrer, en cas de recours prud'homal du salarié, que la mutation était conforme à l'intérêt de l'entreprise. Or cet argument classique utilisé en défense par le salarié est devenu inopérant avec ces deux arrêts: "la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise". En conséquence, c'est au salarié qu'il incombe "de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle". Parfois utilisé par l'employeur pour masquer une sanction disciplinaire, notamment envers les cadres soumis à une clause de mobilité, la décision de mutation prise par l'employeur ne se trouve pas pour autant automatiquement justifiée avec ce revirement jurisprudentiel. Il suffira au cadre de convaincre le juge du caractère suspect de la décision pour obtenir gain de cause. Ainsi, dans l'une des deux affaires, les juges ont relevé une "précipitation suspecte" de l'entreprise dans sa décision de mutation, vis à vis d'une salariée ayant une grande ancienneté (onze ans) et qui avait fait l'objet de deux avertissements non justifiés peu de temps avant. D'autre part, la seconde affaire comporte un deuxième revirement de jurisprudence, clairement favorable au salarié, concernant la conséquence du refus. Alors que la Cour de cassation estimait, depuis 1996, que le refus d'un changement des conditions de travail constituait "en principe" une faute grave, la chambre sociale met fin à cette sanction quasi automatique. La cour estime désormais que "le refus par le salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave".

Le pouvoir de l'employeur se trouve amoindri par cette décision, déjà latente dans différents arrêts antérieurs, et aujourd'hui clairement affirmée. L'employeur devra donc, sauf circonstances particulières, trouver un autre motif de rupture que la faute grave. Contact : Simon Denis, au secrétariat de l'Ugica-CFTC au 01 44 52 49 82 ou ugica@cftc.fr