Points de vue sur l'actualité

Le temps de trajet : un temps de travail effectif éphémère …

La loi du 18 janvier 2005 vient de revenir sur une évolution jurisprudentielle majeure concernant la qualification juridique du temps de trajet des salariés amenés à se déplacer dans le cadre de leurs fonctions. En effet, alors que le temps de trajet "habituel" travail-domicile n'a jamais été considéré comme un temps de travail (car il appartient au salarié de choisir librement son lieu de résidence), la question était posée concernant les trajets effectués en dehors des horaires de travail, qui excédaient ce temps habituel (visite auprès de clients de l'employeur, dernier rendez-vous de fin de journée,...). Différentes Cours d'appel considéraient que ce temps devait être considéré comme un temps de travail effectif mais la Cour de cassation s'y refusait.

Opérant un revirement de jurisprudence très net, la chambre sociale de la Haute juridiction a donné une première victoire dans un arrêt du 5 mai 2004 lors d'une affaire. Mais victoire de très courte durée puisque la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, dans son article 69, est venue ajouter un troisième alinéa à l'article L 212-4 du code du travail ainsi rédigé : "Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif". Ce nouvel article précise tout de même : "Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire."

Deux enseignements principaux découlent de cette loi : d'une part, alors qu'il ne peut "vaquer librement à ses occupations personnelles" (définition a contrario du temps libre), ces heures ne représentent plus un temps de travail stricto sensu pour le salarié. Son temps réellement libre s'en trouvera amputé d'autant. D'autre part, la lettre même de ce nouvel article conforte une fois encore l'idée de la nécessité d'une syndicalisation des salariés, y compris d'un niveau hiérarchique élevé, afin de pouvoir peser sur la négociation de la contrepartie de ces temps de déplacement. A défaut l'employeur décidera unilatéralement de celle-ci. Réforme des 35 heures, exclusion du temps de travail effectif de ces temps de déplacement... Quelle place pour la vie de famille, l'épanouissement personnel des cadres après avoir accompli l'ensemble de leurs obligations professionnelles ? Contact : Simon Denis, Ugica CFTC au 01 44 52 49 82 ou ugica@cftc.fr