Points de vue sur l'actualité

Les cadres, champions de la syndicalisation

La dernière étude du ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion Sociale sur la syndicalisation en France met en évidence un chiffre qui surprendra tous ceux qui perçoivent les cadres non seulement comme réfractaires à la syndicalisation, mais souvent comme les adversaires naturels des syndicats. On constate, en effet, lorsque l'on calcule le taux de syndicalisation selon la catégorie d'emploi, que les cadres viennent très largement en tête. Ils sont plus de 500 000 à se déclarer syndiqués, alors que ce n'est le cas que de 6,1% des ouvriers et de 5,9% des employés. Dans le secteur privé, il existe un écart significatif : 7,5% de cadres syndiqués face à 5% d'ouvriers. On peut, par ailleurs, présumer que ces cadres se rencontrent davantage dans les grandes entreprises que dans les petites et qu'ils exercent moins souvent des fonctions de management que des fonctions techniques au sein de bureaux d'études et de centre de recherche.

Pour le moment, les cadres se contentent le plus souvent d'être de simples adhérents, laissant des militants issus de la base salariale occuper les postes de responsabilité. Mais on ne peut exclure que se produise un jour un transfert de leadership. Les stratégies syndicales risqueraient alors de s'en trouver assez profondément modifiées lorsqu'elles seront élaborées par des salariés hautement qualifiés et familiers des problèmes économiques. Quant aux employeurs, ils trouveraient en face d'eux, lors des négociations, des interlocuteurs d'un nouveau type qui n'en seraient pas moins redoutables.

Sans tomber dans le syndicalisme - fiction, il est incontestable que la syndicalisation des cadres témoigne d'une mutation dans le paysage des relations sociales. Elle marque le comblement progressif du fossé qui les séparaient hier des salariés ordinaires et la fin de leur alliance, qui paraissait aller de soi, avec les employeurs.