Points de vue sur l'actualité

Un accord historique ?

Réunis à Bruxelles, les 18 et 19 juin dernier, les vingt-cinq dirigeants de l'Union Européenne (UE) sont parvenus à se mettre d'accord sur un projet de traité constitutionnel. Ce texte, justifié par l'élargissement, agrège et simplifie les textes fondamentaux adoptés depuis la signature du Traité de Rome en 1956. Les États auront deux ans, après sa signature officielle prévue avant la fin de l'année, pour approuver ce qui deviendra la constitution européenne. Si elle est ratifiée, elle ne devrait pas entrer en vigueur avant 2009. Aujourd'hui, l'UE entend se concentrer sur des défis plus immédiats : réussir l'élargissement dans la durée, retrouver le chemin d'une croissance économique plus vigoureuse, relancer la "stratégie de Lisbonne" qui ambitionne de faire de l'économie européenne la plus dynamique au monde en 2010.

Deux sujets posaient problème qui ont trouvé solution

Le texte final apporte peu de modifications par rapport au projet initial présenté par la Convention pour l'avenir de l'Europe, présidée par Valéry Giscard d'Estaing. Il prévoit, notamment, la fin de la présidence tournante de l'UE, la création d'un poste de ministère des Affaires étrangères européen, un accroissement des pouvoirs législatifs du Parlement. Deux sujets qui posaient problèmes ont trouvé une solution : le nombre de commissaires et le vote à majorité qualifiée. Sur le premier sujet, les Vingt-cinq ont décidé qu'à partir de 2014, la Commission Européenne compterait un nombre de commissaires égal à deux tiers du nombre d'État membres. Les différents pays seraient représentés sur la base d'une "rotation égalitaire" lors de chaque renouvellement de la commission. Concernant le second point, la Constitution étendrait le champ des votes à la majorité qualifiée en Conseil des Ministres, mais l'unanimité demeurerait la règle en matière de politique étrangère commune, à l'exception de quelques cas précis. Le droit de veto est également maintenu sur la fiscalité et en matière d'accord commerciaux sur les services culturels et audiovisuels, ainsi que de santé et d'éducation. Enfin, la Constitution intègrerait la Charte des droits fondamentaux du citoyen européen en matière de dignité, de liberté, de justice. Le texte prévoit que cette Charte s'appliquera au droit communautaire, mais pas au droit national.

Pour la CFTC, des lacunes importantes subsistent

"Sur le principe, la CFTC est satisfaite que les Vingt-cinq soient, enfin, parvenus à un projet de traité constitutionnel ; mais on constate qu'une fois de plus, la logique financière et marchande a prévalu", souligne Joseph Thouvenel. Le secrétaire général adjoint de la CFTC chargé des questions européennes estime que le texte comporte d'importantes lacunes. Ainsi regrette-t-il que le veto soit maintenu, notamment, pour tout ce qui concerne le social, la fiscalité et la coopération juridique en matière pénale, et ce, à la demande des Britanniques. Il déplore, également, que la portée juridique de la charte des droits fondamentaux ait été limitée, toujours à cause du Premier Ministre anglais qui craignait d'être obligé de modifier la législation sur le droit de grève. Joseph Thouvenel reproche aux chefs d'État et gouvernement des Vingt-cinq d'avoir verrouillé le texte. Une fois le texte adopté, il sera impossible de revenir en arrière : tout changement devant, en effet, être approuvé à l'unanimité, puis être ratifié dans chacun des États membres. Enfin, Joseph Thouvenel considère que "l'absence de la référence au patrimoine chrétien de l'Europe est une négation de ce qui constitue, aujourd'hui, le socle commun de tous les pays d'Europe." Et de conclure, "sur le principe, je crois que la CFTC ne peut que se féliciter de l'existence d'un accord. Reste le contenu. Il est important, aujourd'hui, de lancer une vaste réflexion, à l'intérieur du mouvement, pour voir comment, sur le terrain et dans les instances, le contenu de cet accord est perçu."