Points de vue sur l'actualité

Responsabilité des entreprises : l'universalité des actes

De nombreuses marques, éclaboussées par des scandales relatifs au travail d'enfants dans leurs usines, se dotent progressivement de chartes éthiques. Libre propos d'un syndicaliste CFTC sur la responsabilité des entreprises.

On nous répète, à l'envie, que les scandales financiers, la recherche du profit, les conséquences négatives des techniques «capitalistiques» de production et de consommation ne sont que les manifestations séquentielles et outrancières d'un système économique efficace. Si telle était la réalité, il faudrait alors expliquer pourquoi les vingt dernières années ont été caractérisées par l'émergence d'un phénomène de conscience à dimension collective, par une défiance à l'égard des entreprises et, aujourd'hui plus que jamais, par une revendication unanime d'éthique et de morale sur le rôle et les finalités du profit au regard de ses conséquences dévastatrices en termes sociaux, sociétaux et environnementaux. Pour la CFTC, l'entrepreneur doit répondre non seulement de ses responsabilités premières (l'économique et le social) mais aussi de leurs conséquences sur des principes moraux (le sociétal et l'environnemental). La crise couve, elle soulève la responsabilité des États. Sur la constante que «l'opinion» précède généralement le législateur, les États se doivent de porter une attention particulière à cette fronde morale en redonnant au politique le pouvoir d'orientation, dans sa globalité, de l'organisation de l'économie mondiale. L'adaptation des comportements et des techniques de production est possible. La preuve, l'intérêt et la capacité d'anticipation de certains acteurs économiques sur ce nouveau segment de marché (l'éthique) consécutif à la conscientisation de l'opinion. Fonds de placement à valeurs éthiques et environnementales, codes de bonne conduite d'entreprises, chartes morales ou thématiques prospèrent. Avant-gardisme éclairé ou profonde motivation ? L'avenir nous le dira. Si les fonds de placement à finalités éthique et environnementale ne posent a priori pas de problème dans la mesure où, comme produits de consommation, ils sont soumis à réglementations, l'existence de chartes, de codes de bonne conduite soulève en revanche une réflexion. Faire son devoir ne requiert aucun motif ! Aussi, l'argument «seuls les coupables cachent leurs fautes» ne saurait interdire une légitime interrogation sur les mobiles qui engendrent actuellement une prolifération des chartes et codes d'entreprises. Peut-on attacher une valeur identique à une résolution affirmée par contrat (l'impératif) et à une déclaration unilatérale d'intention (l'hypothétique) ? Pour la CFTC, le caractère incontestable d'un effet d'annonce pris sous forme de charte ou de code d'entreprise pose comme principes un contrat (engagement), un contenu d'objectifs sacrificiels (loi morale), un cocontractant extérieur à l'entreprise (sans lien de subordination), approprié à l'objectif (économique, social, sociétal, environnemental) et à sa dimension (nationale, internationale), un contrôle en termes de libre exercice de moyens, dénonciation (garantie). Sans ces exigences, une charte ne saurait être labellisée.

Des droits fondamentaux à respecter : L'Organisation Internationale du Travail (OIT) a été créée en 1919 principalement dans le but d'adopter des normes internationales pour remédier aux «conditions de travail impliquant l'injustice, la misère et les privations». Les normes ont valeur de modèle universel pour ce qui est des droits et des responsabilités sur le lieu de travail. Ces normes sont reprises dans plus de 180 conventions dont huit sont considérées comme fondamentales pour les droits des travailleurs. Elles concernent quatre grands chapitres : la liberté d'association et de négociation collective (conv. n08 87 et 98), l'élimination du travail forcé ou obligatoire (conv. N° 29 et 105), l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession (n° 1111) et l'abolition du travail des enfants (n°138 et 182). La CFTC considère que les entreprises ayant des implantations à l'étranger peuvent respecter ces droits fondamentaux dans leur périmètre d'action avant d'envisager la création de chartes éthiques. Elles peuvent même inciter les gouvernements à ratifier les conventions de l'OIT.