Points de vue sur l'actualité

Première évaluation des effets de la réforme des retraites du 21 août 2003

Lors de sa réunion de travail du 14 avril 2004, le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) s'est penché sur les premiers éléments de chiffrage des effets prévus de la réforme des retraites du 21 août 2003, en vue de la préparation de son deuxième rapport dont l'adoption devrait avoir lieu le 26 mai. Le COR rappelle l'importance d'une amélioration de la situation de l'emploi d'ici 2010 pour que la réforme produise pleinement ses effets et que les régimes de retraite soient équilibrés à l'horizon 2020.

Des liquidations retardées

Le COR évalue l'impact de la réforme pour les assurés à l'horizon 2020.

L'allongement de la durée d'assurance pour bénéficier d'une pension à taux plein inciterait les assurés à repousser leur départ à la retraite, dans la mesure où il induit une baisse de la pension pour les assurés qui, à un âge donné, n'ont pas validé suffisamment d'annuités. Mais son impact ne serait pas uniforme. Il toucherait particulièrement les jeunes générations qui commencent à travailler plus tardivement. La surcote pour prolongation d'activité après 60 ans ne produirait réellement d'effets que pour les salariés à carrière longue et la diminution de la décote dans le régime général pourrait, elle, inciter certains salariés notamment les femmes à avancer leur départ en retraite, tout en maintenant leur niveau de pension. Mais pour les assurés qui ont de très longues ou de très courtes durées de carrière, l'incidence de ces mesures serait nulle.

La hausse de l'âge moyen de liquidation devrait être, au moins dans un premier temps, relativement limitée. La moitié des salariés du secteur privé des générations partant à la retraite d'ici 2020 (nées avant 1960) devraient disposer en effet d'au moins 160 trimestres à l'âge de 60 ans et bénéficier dès cet âge d'une pension à taux plein. Après 2020, dans le secteur privé, les effets de la réforme seraient plus sensibles. L'âge moyen de liquidation dans le secteur privé augmenterait de 0,2 an pour les salariés nés entre 1945 et 1954, de 0,4 an pour ceux nés entre 1955 et 1964 et de 0,2 an pour ceux nés entre 1965 et 1974.

Cet âge augmenterait davantage chez les salariés du secteur public en raison d'incitations financières plus fortes à différer la date de départ à la retraite. Il serait relevé d'environ 0,3 an pour la génération 1940-1944, de près de 2 ans pour la génération 1945-1954 et d'environ 2,5 ans pour les générations 1955-1964 et 1965-1974. La réforme aboutit ainsi, constate le COR, à un effort très important des fonctionnaires qui succède à l'effort fourni par les salariés du secteur privé lors de la réforme de 1993. Ainsi, trois quarts des économies réalisées par la réforme à l'horizon 2020 le sont dans les régimes de fonctionnaires.

Effet limité sur le niveau des pensions

La réforme pourrait avoir un très faible impact sur le niveau de la pension moyenne à la liquidation, tant dans le régime général que dans ceux de la Fonction publique, si les personnes retardent effectivement leur départ à la retraite sous l'effet des mesures précitées. Les niveaux de la pension moyenne à la liquidation pour chacune des générations successives 1940-1944, 1945-1954, 1955-1964 et 1965-1974 seraient stables, en effet, voire augmenteraient un peu. Cependant, dans le secteur public, cette relative stabilité masque des disparités entre les retraités en particulier pour les plus jeunes générations (1955-1964 et 1965-1974) pour lesquelles le niveau de la pension diminuerait pour environ la moitié d'entre eux et non plus seulement pour un tiers d'entre eux dans la génération précédente.

Entre 1 et 1,5 points de PIB

Les départs anticipés devraient entraîner une diminution de la population active d'environ 80 000 personnes en 2004, baisse qui s'atténuerait au fil du temps. Les modifications apportées aux modalités de calcul des pensions conduiraient, par ailleurs, à augmenter l'âge moyen de départ à la retraite et, de fait, à accroître la population active de 250 000 à 400 000 personnes à l'horizon 2020. Ces deux phénomènes pourraient, selon le COR, se traduire par une augmentation du PIB « potentiel » de 1 à 1,5 points d'ici 2020.

L'effet direct pour le régime général et les régimes de la Fonction publique, évalué à 18 milliards d'euros, permettrait de combler 40 % de leur besoin de financement. Le régime général verrait son besoin de financement (15,5 milliards d'¤ en 2020) réduit d'environ un tiers. Le montant des transferts de cotisations de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse, nécessaire pour équilibrer les comptes du régime général, devrait être alors de 10 à 11 milliards d'euros 2020. Pour l'Agirc et l'Arrco, la réforme générerait jusqu'en 2009 des surcoûts, liés aux départs à taux plein avant 60 ans, puis des économies, liées à l'allongement de la durée d'assurance. Le besoin de financement des régimes de la Fonction publique (28 milliards d'euros en 2020), quant à lui, diminuerait de 13 milliards d'euros.

Rôle de l'emploi

L'équilibre financier des régimes est-il assuré ? Pour répondre à cette question, le COR indique que les effets de la réforme sur les durées d'activité et le niveau des pensions dépendent largement de la situation de l'emploi. Une partie du financement de la réforme résulte de redéploiements de cotisations possibles uniquement en cas de retour au plein emploi et tout le pari de la réforme repose sur la capacité de l'économie à fournir des emplois aux salariés seniors. Faute de quoi, il faudrait choisir entre un accroissement des recettes allouées aux régimes sans diminution équivalente des cotisations chômage ou une révision à la baisse du niveau des pensions.