Points de vue sur l'actualité

Point par Jacques Voisin sur l'actualité sociale

Interview parue dansLa Tribunedu 14 avril 2004.

La Tribune- Comment la CFTC analyse-t-elle la situation politique ?

Jacques Voisin- Le Gouvernement doit prendre en compte l'expression du vote qui est une demande de plus de solidarité. Il faut qu'il y ait un "après régionale". Or, le Premier Ministre ne semble pas changer de cap. Cela nous inquiète. Les gens ont le sentiment que leurs attentes ne sont pas prises en compte et que c'est l'entreprise qui prime. Les salariés se sentent sacrifiés.

La Tribune- Que demande la CFTC au Gouvernement ?

Jacques Voisin- La première de nos revendications porte sur la relance des salaires et du pouvoir d'achat. La revalorisation du Smic de 3,7% au 1er juillet annoncée par le Premier Ministre ne fait qu'uniformiser les différents smics engendrés par les 35 heures. Nous demandons un véritable coup de pouce au Smic, qui s'applique au-delà des rares smicards qui bénéficieront des 3,7%, et une impulsion forte aux négociations de branches sur les bas salaires. Le gouvernement doit faire pression sur le patronat pour contraindre les branches à ouvrir de vraies négociations sur les salaires. Nous demandons aussi l'abandon des mesures préconisées par le rapport Virville sur le contrat de mission et le conseil d'entreprise. Pour stimuler la relance, il faut stopper la baisse de l'impôt sur le revenu et réfléchir à des baisses de TVA. Enfin, le dispositif sur le RMA doit être revu.

La Tribune- Que pensez-vous du projet de loi sur l'emploi ?

Jacques Voisin- Je ne vois pas la nécessité d'une loi. Au-delà de certaines mesures que nous combattons, comme le contrat de mission, c'est la logique même de cette loi que nous contestons. Cette loi va à contre-sens. Elle prévoit plus de flexibilité et plus de précarité pour les salariés. Elle est faite pour servir les patrons et non l'emploi.

La Tribune- La négociation sur les restructurations a-t-elle une chance d'aboutir le 11 mai ?

Jacques Voisin- Un accord est possible. Il faut que le patronat s'engage sur la création et le financement d'un droit individuel au reclassement, même s'il n'y a pas obligation de résultat. Il faut aussi que le patronat évolue sur sa volonté de réduire les droits des salariés pour pouvoir licencier plus vite et limiter les possibilités de recours en justice.

La Tribune- Souhaitez-vous négocier la réforme de l'assurance-maladie ?

Jacques Voisin- La réforme est nécessaire. Mais, sur la méthode, nous mettons nos conditions : nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation de la réforme des retraites. Cette fois, nous voulons être écoutés et entendus.

La Tribune- Êtes-vous prêts à accepter des efforts sur le niveau de la prise en charge des soins ?

Jacques Voisin- Sur le niveau de prise en charge, notre objectif est le suivant : que le régime obligatoire, à la fois de base et éventuellement complémentaire, couvre 90% des dépenses, les 10% restants étant laissés au facultatif. Plutôt que la mise en place d'un forfait par boîte de médicament ou par ordonnance, nous ne serions pas opposés à l'instauration d'une franchise annuelle qui participe à la responsabilisation de l'usager, à condition que son montant soit limité et qu'elle ne concerne pas les plus fragiles et les patients atteints d'affections de longue durée. Nous sommes opposés aux déremboursements de médicaments; soit un médicament est bon, il est prescrit et doit être remboursé, soit il n'est pas bon et ne doit pas être prescrit.

La Tribune- Et sur le financement ?

Jacques Voisin- Outre une hausse de la CRDS pour régler le passif, nous sommes plutôt pour une hausse de CSG, à condition de la rééquilibrer vers les revenus du capital, ou une hausse de cotisations. Cette solution donnerait une légitimité plus grande aux partenaires sociaux pour gérer l'assurance-maladie.