Points de vue sur l'actualité

Alors, heureux en travaillant ?

Une étude sur la satisfaction des français dans leur vie professionnelle, menée de 1996 à 1999 par des sociologues, en partenariat avec l'Insee et le Ministère du Travail, apporte des conclusions inquiétantes : deux Français sur trois travaillent sans plaisir. Un constat allant à l'encontre des sondages, selon lesquels neuf français sur dix se déclareraient heureux au travail (sondage CSA, septembre 2003). La population active semble donc se diviser en trois groupes : les "heureux", pour qui les motifs de satisfaction l'emportent sur les griefs : le clergé, les journalistes, les artistes, les patrons et les cadres supérieurs du public ; les "en retrait", estimant que "leur vie est ailleurs" les fonctionnaires, les jeunes déçus par le monde du travail ou les salariés âgés ; et enfin les malheureux", marqués par les restructurations et vivant avec l'angoisse permanente du chômage : les ouvriers non qualifiés et les agriculteurs. Toutefois, cette dernière catégorie n'a pas le monopole de la souffrance. Tous déplorent l'importance que prend le temps de travail, au détriment de la vie familiale et personnelle. Même les 35 heures n'ont pas atténué ces souffrances. Selon les auteurs, "les entreprises ne se sont pas attaquées aux causes du malheur des gens au travail. Au contraire, on leur demande d'être de plus en plus performants. Si rien ne change, on peut penser que la joie au travail ira en se raréfiant."

Christian Baudelot et Michel Gollac, Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France, Éditions Fayard, 2003.