Le droit dans la Fonction Publique

L'État responsable pour sa carence dans la prévention du risque amiante

Le Conseil d'État a confirmé, dans quatre décisions du 3 mars 2004, la condamnation de l'État pour sa carence dans là prévention des risques liés à l'exposition des salariés aux poussières d'amiante. Rejetant les pourvois formés par le Ministre du Travail à l'encontre de quatre arrêts de la Cour Administrative d'Appel de Marseille, le Conseil d'État profite de ces affaires pour définir les devoirs des autorités publiques, dans un attendu de principe qui dépasse le cas de l'amiante.

Obligation des autorités publiques de se tenir informées

Si, décide le Conseil d'État, «en application de la législation du travail désormais codifiée à l'article L 230-2 du Code du Travail, l'employeur a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu'ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques, au besoin à l'aide d'études ou d'enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers».

Prenant en compte l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur, que la Cour de Cassation a consacrée le 28 février 2002 dans ses arrêts amiante (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-11.793), le Conseil d'État réaffirme le rôle de l'État dans la prévention des risques professionnels, qui doit le conduire à s'informer et à édicter les mesures appropriées, quels que soient les produits et substances utilisés.

Absence de recherches

Pour ce qui est de l'amiante, le Conseil d'État s'en remet à l'appréciation souveraine des juges du fond. La responsabilité de l'État est donc confirmée, sa carence en matière de prévention des risques professionnels étant avérée et le lien de causalité entre la faute de l'État et le décès des salariés établi.

La responsabilité de l'État est même retenue pour la période postérieure à 1976, date à partir de laquelle le Gouvernement a néanmoins pris certaines mesures : un décret du 17 août 1977 a limité la concentration de l'atmosphère en fibres d'amiante et un autre du 20 mars 1978 a totalement interdit l'usage de l'amiante bleue.

Pour la Cour d'Appel, aucune étude n'a été entreprise avant 1995 pour «déterminer précisément les dangers que présentaient pour les travailleurs les produits contenant de l'amiante, alors pourtant que le caractère hautement cancérigène de cette substance avait été confirmé à plusieurs reprises et que le nombre de maladies professionnelles et de décès liés à l'exposition à l'amiante ne cessait d'augmenter depuis le milieu des années cinquante.»

Responsabilité de l'État et indemnisation par le fiva

Les victimes de l'amiante ou leurs ayants droit peuvent donc, à la fois, demander la réparation intégrale de leurs préjudices devant le Fiva (Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante) et introduire une action en responsabilité contre l'État. Ce que les victimes ont fait en l'espèce.

Rien n'est dit toutefois dans les arrêts concernant les rapports entre l'État et le Fiva, la question n'ayant pas été posée à la Haute Juridiction. Le Conseil d'État n'a pas davantage pris parti sur un éventuel partage de responsabilité entre les employeurs et l'État.

Le Ministre du Travail a bien essayé de faire juger que la responsabilité de l'État était atténuée par celle des employeurs, mais le moyen, nouveau en cassation, n'a pas été examiné, la question du partage de responsabilité n'étant pas d'ordre public.

Ce qui semble certain, au regard de la jurisprudence judiciaire, c'est que la responsabilité de l'État ne protégera pas les entreprises d'actions en reconnaissance de leur faute inexcusable. Pour la Cour de Cassation, il suffit que la faute inexcusable de l'employeur «soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage».